LES ARCHIVES DU REGARD QUI BAT DEPUIS 2020
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2024
SAMEDI 13 OCTOBRE
Cinéma Les 3 Luxembourg
Le Roman de Jim
Un film d'Arnaud Larrieu et Jean-Marie Larrieu
SYNOPSIS :
Aymeric retrouve Florence, une ancienne collègue de travail, au hasard d’une soirée à Saint-Claude dans le Haut-Jura. Elle est enceinte de six mois et célibataire. Quand Jim nait, Aymeric est là. Ils passent de belles années ensemble, jusqu'au jour où Christophe, le père naturel de Jim, débarque... Ça pourrait être le début d’un mélo, c’est aussi le début d’une odyssée de la paternité.
Avant-propos de SIMONE WIENER :
Les frères Larrieu nous avait enchanté avec Tralala, comédie chantante, insolite, loufoque et pleine de poésie qui se passait entre Montparnasse et Lourdes. Leur nouveau film, « Le roman de Jim » d’après le livre de Pierric Bailly (P.O. L. 2021) change de style, de région et de registre, mais le talent et la sensibilité sont toujours au rendez-vous.
Nous nous retrouvons dans les montagnes du Haut Jura et dans une histoire qui relève de la sphère privée, de la famille et des liens de filiations. On est entraîné dans le récit d’un parcours de vie intime mais sans ostentation, de façon ténue, retenue. Et c’est peut-être cette manière délicate, sans insistance, presque oblique qui fait que ce film parvient à nous toucher jusqu’aux larmes. (Prévoir des mouchoirs).
Le récit est parfaitement rythmé par des scansions temporelles régulières qui accentuent la dimension de destin. Les clichés qu’Aymeric, passionné de photo, prend régulièrement contribuent à cette temporalité cinématographique. Et cela n’empêche pas le film d’aborder des questions profondes au sujet de la maternité, des liens de filiations, du temps, de la transmission. Il le fait toujours avec finesse sans chercher de coupables ou donner des réponses.
L’histoire est celle d’un chemin de vie particulier avec ce qu’il y a de tragique dans l’inéluctable et l’irréparable. Il s’agit d’Aymeric (joué par Karim Leklou, excellent) natif de Saint- Claude et dont nous suivons le destin à partir de son jeune âge, les années 1990 jusqu’à nos jours. Aymeric est un jeune homme un peu banal, attachant, bon camarade qui se laisse porter par le désir des autres. C’est ainsi qu’il est entraîné dans un cambriolage qui le fait passer par la prison.
A sa sortie, il croise une ancienne amie libre et joyeuse Florence, (Laetitia Dosh) enceinte de 6 mois avec laquelle il a une histoire d’amour qui le remet en mouvement. Elle souhaite qu’il s’occupe de son fils. Là aussi il est pris dans le désir de l’autre, mais il s’y engage. Et à cet endroit, il se passe quelque chose qui va au-delà. Il s’épanouit avec cet enfant avec lequel se noue une relation paternelle et complice.
On dirait qu’il a trouvé dans cette fonction quelque chose qui le réalise. Pourtant quand cet enfant va lui être retiré, Aymeric ne va pas se battre. La passivité de sa réaction lui sera retournée plus tard.
Le film aborde des questions comme celle de ce qui distingue un père d’un géniteur, sur la fonction du prénom et du nom. Si le géniteur est absent, quel est le statut de celui qui s’occupe de l’enfant ? Quelle est la fonction de celui qui donne son nom ?
Qu’est-ce qu’un père ? Celui qui donne son prénom à l’enfant et s’en occupe ? Celui qui lui donne son nom, l’inscrit dans une lignée ? Comment penser et articuler tout cela dans certains destins ?
Le personnage de sa compagne, Florence, n’est pas sans soulever des questions sur le féminin et le maternel. Qu’en est-il d’une femme lorsqu’elle devient mère ? Est-ce un acte de générosité de lui trouver un père ?
Et pour un enfant comment faire avec les mensonges et les faux fuyants des adultes ? Plein de questions qui montrent la complexité des choses ; il n’y a pas de coupables ; il n’y a pas de causalité simple mais des circonstances qui donnent à chaque personnage une amplitude et une vraisemblance.
2024
SAMEDI 29 JUIN
Cinéma Les 3 Luxembourg
Le Déserteur
Un film de Dani Rosenberg
SYNOPSIS :
Shlomi, un soldat israélien de 18 ans, fuit le champ de bataille pour rejoindre sa petite amie à Tel-Aviv. Errant dans une ville à la fois paranoïaque et insouciante, il finit par découvrir que l'armée, à sa recherche, est convaincue qu'il a été kidnappé... Un voyage haletant, une ode à une jeunesse qui se bat contre des idéaux qui ne sont pas les siens.
Réalisateur du Déserteur, Dani Rosenberg a fait de son personnage principal l'incarnation de ses sentiments vis-à-vis de son pays, Israël.
« Il réagit exactement de la manière dont je réagirais, moi, si j'avais du courage. Cette anomalie de la vie israélienne et de ma génération - la volonté de fuir à tout prix notre existence sanglante - a guidé mon projet dès le départ. Je me suis rendu compte qu'en essayant décrire quelque chose sur l'amour, j'ai fini par parler de la solitude. Je voulais évoquer une relation entre un jeune homme et une jeune femme, mais la violence a pris le dessus », explique le cinéaste.
Avant-propos de JEAN-JACQUES MOSCOVITZ :
« …Partons au Canada dit Shlomi à sa si belle Shirih, pour fuir cette vie israélienne si difficile. Oui, mais si l’on ferme les yeux, disent-ils, nous serons toujours à voir israel. Le Déserteur de Dani Rosenberg rappelle le film de Samuel MAOZ , FOX-TROT, où l’armée d’Israël TSAHAL est moquée de façon constructive. Comment Israel sait le faire dans ses films qui dénotent une culture de l’auto critique judeo- hébraïque forte et qui résiste à l’adversité la plus sombre, notamment contre la haine terroriste des juifs par le Hamas lors de la guerre en 2014. Ce film de fiction date d’avant le 7 octobre2023, c’est aussi un film d’amour et qui nous laisse entrevoir la vérité de l’épouvante de ce qui s’est passé le 7 octobre 2023. Il doit servir de leçon à toutes les démocrates modernes comment ne pas user de la haine antisémite en politique, comme c’est le cas en France en ce moment avant les élections législatives . Nous passons ce film pour débattre avec des réalisateurs de la portée cinématographique de ce film où les images foisonnantes créent un discours filmique des plus intéressants pour l’époque alliant l’intime du DÉSIR amoureux à l’aspiration de vivre en paix malgré la guerre… »
2024
DIMANCHE 9 JUIN
Cinéma Les 3 Luxembourg
UNE FAMILLE
Un film de Christine Angot
SYNOPSIS :
L’écrivaine Christine Angot est invitée pour des raisons professionnelles à Strasbourg, où son père a vécu jusqu’à sa mort en 1999. C’est la ville où elle l’a rencontré pour la première fois à treize ans, et où il a commencé à la violer. Sa femme et ses enfants y vivent toujours.
Angot prend une caméra, et frappe aux portes de la famille.
Avant-propos de JEAN-JACQUES MOSCOVITZ :
« …bruits des mots qui crissent sur le papier, ceux de Christine Angot, musique insistante dans son bureau. Ici les lieux parlent, nous disent les mots qui savent combien 3 histoires sont nouées, et la familiale, et l’intime singulière de l’enfant, et la collective avec son grand H, qui lie les gens dans le monde où nous vivons. Le film montre que l’écart des nœuds d’histoires entre eux peuvent se mettre en trop grande, très grave continuité. Voire se rompre. Détruire la loi de transmission entre générations, provoquant fusion, impossibles filiation et séparation, rompre et envahir l’histoire intime, la plus fragile, dont la mémoire reste prisonnière de l’acte d’inceste. Inceste tel que le film soumet spectateurs, Cité, collectif à se positionner face au discours images, aux silences entre les images, images des faits ici dévoilés enfin. Images de mots, des noms portés par les acteurs réels qui sont alors ensemble au présent par l’acte propre à l’art du cinéma. Ainsi, 3 générations sont-elles mises en regard, celle des parents de Christine, celle d’elle-même et de ses proches, et celle de son enfant, sa fille, témoin constructif par sa parole -psychanalytique oui ! - en ce si joli port de Nice, les criques, ‘la mer… qu’on voit danser… le long le long des golfes clairs… »
2024
SAMEDI 27 avril 2024
Cinéma Les 3 Luxembourg
Lettre errante
Un film de Nurith Aviv
SYNOPSIS :
Entièrement dédié à une unique lettre de l’alphabet, la lettre R et ses multiples prononciations, Lettre Errante poursuit le travail d’exploration de la langue de la réalisatrice Nurith Aviv.
Au fil des souvenirs d’enfance de six personnalités chacune de langue maternelle différente, c’est tout un monde qui se déploie autour de la lettre R et qui, de l'intime au politique, soulève des questions de vie et de mort, de filiation, de migration, d’exil, de résistance et aussi de genre
Avant-propos de JEAN-JACQUES MOSCOVITZ :
« …Perjil perçoit-t-on depuis l’espagnol pour persil en haïtien... Bilingues, nous le sommes tous entre les cris, l’écrit et les mots, les syllabes interjetées ici entre un père et son fils qui ne dit pas le R, entre la parole et l’entendu où l’oreille complète le son. Le R ne se prononce pas en haïtien et aussi dans bien d’autres langues.
R, une lettre magnifique comme toutes les autres de l’alphabet. Ici le film met en scène cette lettre-là... Ses errances…Voilà mise en images de cinéma une lettre qui fait coupure dans la langue, c’est pour l’infans qui ne parle pas encore l’apparentement au langage si bien souligné par Lacan, et qui avec Freud est l’insertion de l’enfant dans la parentalité, la transmission entre les générations où les lettres, notamment ce R, si grand qu’il va du côté de Rosh, en hébreu, le début, pour Rho en grec pour l’élan, la vie. Cette attente de pouvoir le dire fait honte, courroux, connivence dans les familles à travers notre si Belle planète Terre bourrée de R en pleine nature. Air, Aite, Erre, Êre. Nurit Aviv nous en fait voir de toutes les couleurs en séquences d’images d’arbres couverts de fleurs.
Évoquons :« A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu. Dans ce poème de 1971 Arthur Rimbaud parle des voyelles comme Vois Elle … la femme » qui advient toujours.
Le R comme le L sont des lettres nommées liquides, faciles à dire pourtant. Pour le R s’il succède à une consonne occlusive, comme le P, comme prêter, prairie, prêtre…est plus facile à prononcer, paraît-il pour les français qui n’avons pas cette difficulté. Sauf quand quelqu’un ronfle où son souffle comme probablement dans toutes les langues, le R du fond de la gorge se fait entendre, voilà la toute première image du film, en plein chant ! de blé, d’avoir un chat dans la gorge et s’entendent des rheu -rheu-rheu plein écran. Le R si souvent doux une fois éveillé le voilà filmé presque malgré lui... »
2024
Dimanche 17 mars 2024
Cinéma Les 3 Luxembourg
Je ne veux plus y aller maman
Un film d’Antonio Fischetti
SYNOPSIS :
Journaliste à Charlie Hebdo depuis 1997, Antonio Fischetti, présente son film documentaire Je ne veux plus y aller maman. Un projet très personnel dont l’attentat du 7 janvier 2015 a été le déclencheur.
« Je suis journaliste à Charlie Hebdo, et le 7 janvier 2015 j’ai échappé à l’attentat par la grâce d’un concours de circonstances saugrenues. L’onde de choc passée, une introspection s’est imposée à moi pour redonner un sens à ma vie fragmentée par ce drame.
Parmi tous mes camarades assassinés, il y avait Elsa Cayat, la psychanalyste fantasque, qui tenait une rubrique dans le journal. Nous avions même commencé un film ensemble, sous forme d'entretiens. Guidé par les réminiscences de la parole d’Elsa, je revisite mon histoire et les raisons de mon engagement dans Charlie. Mon film est une quête à la fois sensible et décalée, questionnant le pouvoir des images et les ressorts du mot liberté. »
Antonio Fischetti
Avant-propos de JEAN-JACQUES MOSCOVITZ :
« …des mots d’Antonio, sur sa moto, dont les lettres se joignent aux images qui se voient, se lisent, s’entendent, s’écoutent, images aux couleurs si généreuses qu’associées aux voix et aux visages des présents devant la caméra deviennent des tableaux qui, à leur tour, invitent les spectateurs en témoins de Charlie-Hebdo, de l’écho actuel de l’attentat du 7 janvier 2015, et à d’autres attaques du genre humain jusqu’au 7 octobre 2023. Atteinte « non pas au centre mais au cœur »de chacun d’entre nous, là où les mots, malgré le trauma, parviennent à se dire en chaînes de signifiants qui imagent l’origine du monde psychique de chacun « entre sexuel et religion ». Voilà la psychanalyse en actrice principale avec Elsa C., disparue et si présente à l’écran, et Antonio F., Yan D, qui en savent un bout sur le risque de ne pas lâcher sur l’image et les mots, le trait vivant de l’écriture, la parole, l’inconscient, ici au cinéma, et sur « la caricature au cœur du ´ rêve » ( Freud) , qui s’inscrivent, s’écrivent, sont mis en mouvement par la caméra d’Antonio Fischetti… »
2024
Dimanche 21 JANVIER 2024
Cinéma Les 3 Luxembourg
Pour ton mariage
Un film d’Oury Milshtein
SYNOPSIS :
En épousant la fille d’Enrico Macias, je ne me doutais pas que trente ans plus tard je lui en voudrais encore d’avoir transformé nos noces en show démesuré. En revoyant le film du mariage, je réalise que c’est vraiment là que j’ai commencé à « fonder une famille » : deux fils, une séparation, trois filles, une autre séparation, un deuil. Sur la tombe de mon psy, je tente une sorte d’inventaire. Que nous ont légué nos pères et nos mères ? Et moi, que vais-je laisser à mes enfants ?
Oury Milstein
Avant-propos de Lysiane Lamantowicz :
De l'analyste mort au père mort. Entre les deux, il y a ce film, objet cinématographique inclassable ni documentaire ni fiction, construit comme le parcours d'une analyse, fait de fragments passés éclairés ou obscurcis par le regard du réalisateur. Parcours de meurtre du père et de réconciliation car comme dit Pierre Dac « il faut tuer le père mais on ne doit pas piétiner son cadavre ». Parcours qui comme l'analyse permet d'être un peu moins ignorant de ce qui fait son symptôme. Parcours qui va de la mascarade à la vérité, de l'arrachement à l'emprise maternelle à l'infime possibilité de devenir père, en passant par l'épreuve la plus cruelle qui soit, celle de la mort de son enfant. Car ce film, ce désir de film est aussi un hommage à la mémoire de Leah quand les mots n'y peuvent suffire et que les images viennent pallier au défaut de mémoire Parcours de construction, reconstruction pour échapper à la fascination, la tentation de la jouissance destructive comme cet artiste rencontré et filmé en Israël qui détruit ses œuvres. Parcours qui témoigne de la trace, de l'empreinte de la Shoah transcendée par la possibilité d'aimer, de créer et de transmettre ou au moins d'essayer.
2023
Dimanche 17 décembre 2023
Cinéma Les 3 Luxembourg
Le Ravissement
Un film d’Iris Kaltenbäck
SYNOPSIS :
Comment la vie de Lydia, sage-femme très investie dans son travail, a-t-elle déraillé ? Est-ce sa rupture amoureuse, la grossesse de sa meilleure amie Salomé, ou la rencontre de Milos, un possible nouvel amour ? Lydia s’enferme dans une spirale de mensonges et leur vie à tous bascule....
Avant-propos de Simone Wiener :
« Le titre de ce film, le ravissement joue sur la polysémie entre rapt et extase et fait une référence voulue par la réalisatrice Iris Kaltenbeck, au Ravissement de Lol V. Stein, roman de Marguerite Duras. Le film met en jeu une forme d’abandon et de déréliction d’une femme qui la conduit à une dérive, mais s’arrête là l’association avec le destin de Lol V. Stein.
L’histoire est celle de Lydia, jeune femme sans famille, qui s’appuie pour l’essentiel, sur l’amitié qui, depuis l’enfance, l’attache à Salomé (Nina Meurisse), petite sœur qu’elle s’est choisie. De son côté, Salomé vit en couple, mais est toujours disponible pour Lydia, sa confidente. La première, en toute logique, à qui Salomé annonce attendre un enfant. Cet enfant va naître comme s’il était celui de ces deux femmes. C’est ainsi l’Histoire d’une sororité, d’amour et de la dérive d’une femme qui ne se sent désirable pour l’homme qu’elle a rencontré que d’être mère. Après le travail, Lydia se déplace dans la ville, dans une sorte d’errance. Une nouvelle rencontre se fera avec un homme Milos (Alexis Manenti, excellent) qui lui redonne vie. C’est lui le narrateur de cette histoire. Croisements de regards, amours perdus et nécessité de l’enfant.
Le film montre ainsi comment l’enfant vient sceller l’amour entre deux femmes, ce d’autant que l’une est sage-femme et accouche son amie dont elle sauve le bébé d’une défaillance néonatale. Cet enfant, devient ainsi celui qu’elle lui a donné, mais aussi celui qui lui manque pour séduire l’homme qu’elle a rencontré.
Le film d’Iris Kaltenbeck trouve son propre fil pour suivre le chemin de cette passion. Le Ravissement procède par petites touches, anticipant par les regards, les silences et les déambulations, un enchaînement qui mène à une catastrophe autour d’un bébé ravissant.
C’est deux désirs d’enfant pour un seul bébé, un parcours de pertes et d’amours qui avance de manière inéluctable vers une issue tragique, dans une course, comme À bout de souffle. »
2023
Dimanche 19 novembre 2023
Cinéma Les 3 Luxembourg
Evolution
de du réalisateur hongrois Kornel MUNDRUCZO et de la scénariste hongroise Kata WEBER
Projection suivie d'une rencontre-débat en présence de Emile Rafowicz, psychanalyste
SYNOPSIS :
D’un souvenir fantasmé de la Seconde Guerre Mondiale au Berlin contemporain, Evolution suit trois générations d’une famille marquée par l'Histoire. La douleur d’Eva, l’enfant miraculée des camps, se transmet à sa fille Lena, puis à son petit-fils, Jonas. Jusqu’à ce que celui-ci brise, d’un geste d’amour, la mécanique du traumatisme.
Avant-propos :
« …D’immenses nattes, de cheveux épaisses, encastrées dans un mur, des cheveux de femmes sont le 1 er plan séquence… Trois plans s’enchaînent. Au tout 1er le spectateur reste sidéré par l’intensité de sa construction du réel : trois hommes, 3 soldats soviétiques lavent avec force cet obscur réel, une probable chambre à gaz. Des cheveux de femmes en quantité, sortent des embrasures. Des cris sourds et aigus d’enfants jaillissent comme du centre de la Terre, une petite fille vivante, effrayée apparaît. Née de l’horreur de la Shoah…
Suivent deux autres séquences, la petite fille devenue grand- mère est en dialogue tendu avec sa fille. On comprend qu’il s’agit d’échanges portant sur des documents qui sont en lien direct avec sa judéité et sa déportation par l’Etat hongrois. Cette femme a un fils, le voilà jeune adolescent, Jonas est son nom, avec lequel elle compte partir loin de l’histoire de la Shoah. Elle dit aspirer à vivre une autre vie. L’ambiance évoque le symbolique dans la Bible, où Jonas est ce prophète qui doit annoncer aux habitants de la ville de Ninive leur punition au vu de leurs péchés.
Berlin est le dernier plan séquence. La mère de Jonas semble vouloir « refaire » sa vie et Jonas, en prises imaginaires avec les affres de son adolescence, se pose de multiples questions sur la vie, la mort, les liens fraternels et amoureux, l’empreinte laissée au plus intime de son être par l’Histoire faite d’atrocités et de destruction de l’humain.
EVOLUTION met le spectateur face au traumatisme de la Shoah à travers ces trois générations. Evolution de notre société face au traumatisme d’un réel insistant qui chemine et s’immisce lui aussi avec/dans le quotidien de chacun d’entre nous. AUJOURD’HUI. Ce bébé du début du film nous renvoie à notre naissance au monde et à notre indélébile et indéfectible marquage par cette histoire que le 7 octobre 2023 est venue nous « rappeler » la réactualiser à travers le monde entier. Le film pose aussi la question de notre responsabilité à témoigner de la traversée de la plaie laissée en nous depuis lors… »
Avant-propos établi par Emile RAFOWICZ avec JJ Moscovitz
2023
Dimanche 1er octobre 2023, à 20h
Cinéma Les 3 Luxembourg
Promenade à Cracovie
de Mateusz Kudla et Anna Kokoszka-Romer
Projection suivie d'une rencontre-débat en présence de Sabine Prokhoris, philosophe et psychanalyste (Cf son texte à propos de Promenade à Cracovie dans « Positif », revue mensuelle de cinéma n°749-750, juillet-aout 2023)
SYNOPSIS :
Ce documentaire suit Roman Polanski dans la ville où il a vécu enfant, en compagnie de son ami de toujours, le photographe Ryszard Horowitz, survivant de la Shoah, qu'il a rencontré dans le ghetto de Cracovie pendant la Seconde Guerre mondiale. Ensemble, ils arpentent les rues et confrontent leurs souvenirs…
Avant-propos de Jean-Jacques Moscovitz :
«… Niusia, sœur d’ Horowitz, cache 100 dollars dans sa brosse à cheveux. Là, le spectateur est déjà dans la période communiste en Pologne, après le nazisme, où surgit un « rhaver Stalin », ami en hébreu, que le rabbin chante pour nommer avec ferveur le grand camarade. Rires de nos deux compères qui nous font partager toute l’amitié depuis leur enfance encore bien actuelle.
Ils sont aujourd’hui adultes devenus d’immenses artistes. Le temps passé s’est arrêté, il n’a pas bougé, ici il se conjugue au présent. Comme les images de cinéma nous le disent. Tout comme l’Eglise de Marienka, immuable et montrée dans le détail. Les détails de leurs liens sont pleins de rires, de vie, de sérieux, Cracovie est à quelques km d’Auschwitz, et près de Platzow, le camp refuge des Juifs de Schindler où Horowitz a été sauvé de l’horreur.
Leur récit n’est ni amer, ni vengeur, ni victime. Le visage profond de Roman est en gros plan quand il dit que sa mère est envoyée « directement au gaz ». Elle qui lui donnait cette affreuse huile de foie de morue pour le faire mieux grandir. Leurs paroles en polonais sont mises en scène, en récit, émaillées de vues sur des objets, en images de Cinéma.
L’appareil photo dans leurs mains, la table de montage, la baignoire qui sert de chambre noire. Leu parapluie qu’ils ne quittent jamais. Jusqu’à la fin du film où ils s’ouvrent comme pour les unir à jamais en une si belle séquence de cinéma, en acte, où le cinéma est lui-même acteur. Tout comme leurs objets ici réinventés, ré-habités en images par Anna Kokoszka-Romer et Mateusz Kudla, les metteurs en scènes qui effectuent une direction d’acteurs de ces objets, qui redeviennent alors partie vivante des deux amis. Le petit ciseau pour le maquillage, mais aussi les photos de famille, et aussi les images d’archives, elles-mêmes filmant des déportés derrière les barbelés du camp d’extermination si près du ghetto d’où s’est faufilé Roman Polanski, du fait de son génie pour se retrouver grâce à une famille de paysans polonais, Juste des Nations, dans sa vie, ses exils, sa magnifique créativité. Sourcée depuis son enfance à Cracovie… Où pour nos deux artistes, leur corps, leur mémoire, leur parole se nouent pour chacun d’eux à chacun de leurs parents, de leurs proches dont bon nombre ont disparu dans la Shoah.
La puissance, la beauté, l’exigence de la parentalité du fait de leur culture juive laïque enrobent nos deux héros dans une complicité sans pareille qui les inscrit pour nous, spectateurs, dans des moments ineffaçables... ».
2023
Dimanche 18 Juin 2023, à 20h
Cinéma Les 3 Luxembourg
Un vivant qui passe
de Claude Lanzmann
« Un film sur l’antisémitisme ordinaire, un film sur la difficulté d’être témoin de l’Histoire quand on a été victime de son propre aveuglement. »
Paul Fontaines, Les Inrocks
SYNOPSIS :
Un Vivant Qui Passe, est un film réalisé à partir d’un entretien en 1979 entre Claude Lanzmann et Maurice Rossel délégué du comité international de la Croix-Rouge, qui en juin 1944 visita le ghetto modèle d’Eichman : Theresienstadt. Dans son rapport de visite, Rossel qualifie les conditions du camp de "satisfaisantes". Le portrait d’un témoin rare de la Shoah : ni victime ni bourreau mais vivant de passage entre les morts.
Avant-propos de Claude Lanzmann:
J’ai réalisé Un vivant qui passe à partir d'un entretien que Maurice Rossel m'avait accordé en 1979, alors que je tournais Shoah. Pour des raisons de longueur et d'architecture, j'avais renoncé à traiter frontalement dans mon film le sujet extraordinaire de Theresienstadt, à la fois central et latéral dans le déroulement et la genèse de la destruction des Juifs d'Europe. On sait que Theresienstadt, ville forteresse située à soixante kilomètres au nord-est de Prague, avait été élue par les nazis pour être le site de ce que Adolf Eichmann lui-même appelait un « ghetto modèle », un ghetto pour la montre. Vidée de ses habitants tchèques, elle accueillit, de novembre 1941 à avril 1945, ceux qu'on appelait les « Prominenten », intégrés depuis longtemps à la société allemande, qui n'avaient pas réussi à émigrer ou qui, trop vieux pour recommencer leur vie, avaient renoncé à le faire, voulant se croire protégés par leur statut même (anciens combattants décorés de la Première Guerre mondiale, grands médecins, grands avocats, hauts fonctionnaires et hommes politiques de l'Allemagne pré-hitlérienne, représentants des organisations juives, artistes, intellectuels, etc.) et à qui il était difficile de faire subir immédiatement le « traitement spécial » administré aux Juifs de Pologne, des pays Baltes et d'Union soviétique. Arrivèrent aussi à Theresienstadt en 1943 et 1944 un petit nombre de Juifs du Danemark qui n'étaient pas parvenus à s'échapper vers la Suède, de Hollande, du Luxembourg, de Slovaquie, de Hongrie, de Pologne et même de France.
La vérité est que ce « ghetto modèle » était un lieu de transit, première ou dernière étape, comme on voudra, d'un voyage vers la mort qui a conduit la plupart de ceux qui y ont séjourné vers les chambres à gaz d'Auschwitz, de Sobibor, de Belzec ou de Treblinka, quelquefois après un détour par les ghettos de Pologne, de Biélorussie ou de la Baltique qui, eux, n'étaient pas « modèles ».
On dispose de statistiques très précises sur le nombre des trains et l'identité des victimes. Les conditions réelles d'existence à Theresienstadt étaient effroyables : la majorité des Juifs, hommes et femmes concentrés là-bas, étaient très âgés et croupissaient de misère, de promiscuité et de malnutrition dans le surpeuplement des casernes de la forteresse. À Theresienstadt comme ailleurs, les nazis trompaient et volaient ceux qu'ils se préparaient à tuer : c'est ainsi que la Gestapo de Francfort proposait à des vieilles femmes crédules de cette ville, avant leur déportation pour Theresienstadt, le choix entre un appartement ensoleillé et un autre exposé au nord, les contraignant à payer d'avance le loyer de logements fantômes.
Les Juifs ne furent pas les seuls à être trompés : ghetto « pour la montre » ou encore ghetto « Potemkine » (la légende veut que le prince Grigori Aleksandrovitch Potemkine ait fait construire des villages factices le long de la route que devait emprunter Catherine II, impératrice de Russie, à l'occasion d'une visite en Ukraine et en Crimée, territoires nouvellement annexés), Theresienstadt devait être montré et le fut.
À la tête d'une délégation du CICR (Comité International de la Croix-Rouge), Maurice Rossel inspecta le ghetto en juin 1944, avec l'assentiment des autorités allemandes.
Je remercie Maurice Rossel de m'avoir autorisé à utiliser aujourd'hui l'interview qu'il m'avait accordée en 1979.
« Maintenant octogénaire, m'a-t-il écrit, je ne me souviens plus très bien de l'homme que j'étais alors. Je me crois plus sage ou plus fou, et c'est la même chose. Soyez charitable, ne me rendez pas trop ridicule. »
Je n'ai pas cherché à le faire.
Claude Lanzmann
2023
DIMANCHE 21 mai 2023 à 20h
Cinéma Les 3 Luxembourg
Sur l’Adamant
Un film de de Nicolas Philibert
Projection suivie d'une rencontre-débat en présence du réalisateur
SYNOPSIS :
L’Adamant est un Centre de Jour unique en son genre : c’est un bâtiment flottant. Édifié sur la Seine, en plein cœur de Paris, il accueille des adultes souffrant de troubles psychiques, leur offrant un cadre de soins qui les structure dans le temps et l’espace, les aide à renouer avec le monde, à retrouver un peu d’élan. L’équipe qui l’anime est de celles qui tentent de résister autant qu’elles peuvent au délabrement et à la déshumanisation de la psychiatrie. Ce film nous invite à monter à son bord pour aller à la rencontre des patients et soignants qui en inventent jour après jour le quotidien. .
SUR L’ADAMANT, Avant-propos de JJ Moscovitz :
… « Heureux moments de se choisir comme spectateur grâce à la caméra de Nicolas Philibert, elle nous laisse une immense liberté de découvrir et d’être avec chacun des personnages une fois en images, que ce soit Frederic P., son harmonium, sa voix, ses mots Just Open The Doors, quand il se dit lui-même tout en poème, comme Marc N. avec sa lancée musicale Personne N’est Parfait… ou encore François et son extrait de Behalf of Telephone . Et d’être aussi avec Muriel, et ses réparties si promptes, ses angoisses et ses demandes d’amour, et avec Catherine et son désir de transmettre son désir de danser. L’avancée du film montre des séquences qui nous placent dans un progrès pour nous retrouver face à face avec un écart créatif vers l’autre, l’autre comme sujet, et cela par des petits gains progressifs et humanisants pour nous tous, gains sur le réel de la douleur morale (le psy dira psychique).
Le spectateur perçoit les personnages devenir de plus en plus acteurs. Et ce sur fonds de cet acteur majeur, ce Centre de jour lui-même où séjournent des personnes reprenant en main leur être dès lors en moindre perdition. Allusion ici au si beau film Le moindre geste (1971) de Fernand Deligny, lui-même cité dans le générique de fin ici : « surtout, n’oubliez pas les trous. S’il n’y a pas de trous, où voulez-vous que les images se posent, par où voulez-vous qu’elles arrivent ».
Le trou, l’écart promettent l’écoute entre les présents convoquant des espaces singuliers. Tous les praticiens le vivent auprès de ceux qu’ils accueillent. Pour les soignants et soignés le difficile inhérent à de telles rencontres créent du vrai dans la parole.
Ici déjà le nom de L’Adamant innove du lien à l’autre par sa richesse polysémique et polyphonique… Le bateau, la péniche à quai de Seine, et son nom aussi, ne sont-ils pas les acteurs principaux du film… ? »
2023
DIMANCHE 16 AVRIL 2023 à 20h
Cinéma Les 3 Luxembourg
(Dés)espoirs de paix
Un film de Daniel Friedmann
Projection suivie d'une rencontre-débat en présence du réalisateur
SYNOPSIS :
Film réalisé à partir de mon inquiétude devant l’absence de solution au conflit israélo-palestinien.
« Sur les paroles d’un chant traditionnel qui scande l’affrontement des pulsions de vie et de mort dans l’Histoire universelle, j’arpente Israël et les territoires palestiniens et demande à mes interlocuteurs “Comment comprenez- vous cette impasse et ces guerres répétées alors que selon les sondages, il y a depuis nombre d’années au sein de chaque peuple, une majorité, au moins relative, pour une solution à deux États ?“.
Avant-propos de JJ Moscovitz :
Elie Barnavi, un des interlocuteurs dans le film, presque à la fin, résume la situation actuelle, en 2023, alors que le tournage du film a lieu en 2018 : si rien ne change, ce sera la mort de la démocratie du fait des idéologies, aujourd’hui messianiques. L’acteur principal est Had Gadyia, l’agneau, une chanson chantée à Pessah. Dans le film elle est le lien unissant réalisateur, spectateurs et intervenants. Qui se rendent à l’évidence de ceci : pourvu que demain soit au moins comme aujourd’hui. Tant les tensions en Israël et en Palestine s’agitent, s’aggravent, s’apaisent. Chanson dite cumulative, Had Gadiya reprend à chaque vers, tous les vers antécédents. Effet de temps qui inscrit le temps précèdent pour remonter en allant aussi vers le futur et vers le moment de l’origine. Pessah, un des commencements du peuple juif, ici. Et le présent alors ? « C’est un instant qui a de la chance » énoncent les rabbins... Pourvu que demain reste comme aujourd’hui… le film renvoie à l’ouvrage remarquable de l’historien Georges. Bensoussan : Les origines du conflit israélo-arabe (1870-1950). Le film de Daniel Friedman signe que le cinéma c’est l’art du temps. Dans ces allers
et retours du temps, Des-Espoirs de paix inscrit l’impossible, la Paix ne cesse pas de ne pas se signer, elle ne cesse pas de ne pas s’écrire, et quand elle s’écrit, alors parce qu’écrite, quand elle est possible enfin, elle s’effacerait , elle devient contingente, ça vire à des attentats et actes de guerre, à d’autres poignées de mains éminentes en jurant qu’il est fortement nécessaire d’espérer afin que demain oui les demains cumulés comme dans Had Gadiya, ne sont pas pires qu’aujourd’hui. »
2023
DIMANCHE 19 MARS 2023 à 20h
Cinéma Les 3 Luxembourg
FRACTURE
Un film d’Alain TASMA
Projection suivie d'une rencontre-débat en présence du réalisateur Alain TASMA
Débat animé par : Jean-Jacques Moscovitz, Laura Kofler, Simone Wiener, Lysiane Lamantowicz, Hélène Godefroy, Françoise Moscovitz, Daniel Friedman…
SYNOPSIS :
Anna Kagan, une jeune professeure d’histoire-géographie, est affectée à un poste de remplaçante dans un collège réputé difficile à Certigny, une banlieue où les difficultés s’accumulent : HLM, trafic de drogue, conflits entre bandes et policiers, pauvreté et chômage. Elle doit faire face à des élèves difficiles, dont la plupart se replient dans des communautés issues de l’immigration. C’est une nouvelle vie qui commence pour cette jeune enseignante, soutenue et encouragée par sa famille. Elle ne tarde pas à remarquer le jeune Lakdar Abdane, élève sage et encourageant contrairement à ses camarades et possédant un don pour le dessin, dont il est désireux d’en faire son projet d’avenir. Mais Lakdar perd l’usage de la main droite à la suite d’une fracture mal soignée, et est alors contraint de réapprendre à écrire de la main gauche. Dans l’incapacité de dessiner, il voit ses rêves partir en fumée et sombre dans le désespoir. Il cesse d’aller en cours. Commence alors pour lui la descente aux enfers.
Avant-propos de JJ Moscovitz :
… « Sa main est « tombée », elle est tombée dans l’escalier, depuis elle joue, elle est acteur, objet acteur, trait qui signe le singulier, le héros, son discours, sa conduite. Cet objet-acteur a son image qui traverse tout l’écran, tout le film, Il s’appelle Fracture, c’est son nom…En médecine, on dit « solution de continuité », pour faire lien entre les deux bouts d’os brisés, et assurer la suite vers la guérison.
Ici pas de guérison et dès lors trauma psychique, rage, révolte, attentat… Les copains : « Montre, fais voir, montre là nous. Ah ça a l’air d’une griffe ». C’est le désir qui est gravement brisé, le héros est privé de ce désir, son choix de dessiner sous le coup du trauma, sa main l’abandonne.., l’acte de dessiner si vivant chez Lakdar est impossible et nous montre, pourtant qu’il se poursuit en négatif. En désir de rage. Privé de sa main d’artiste futur, il nous place face à une rupture :
FRACTURE met en scène le discord entre intime et collectif, le collectif politico-social du 9.3.
Ça fait lien et non lien entre lui et lui, nous et nous, chacun et chacun, tous en plein troubles sans fin du 9-3. Dans l’actuel en France de l’Education Nationale. Territoires perdus de la République. De l’assassinat de Samuel Paty… »
FÉVRIER 2023
DIMANCHE 19 FÉVRIER 2023 à 20h
Cinéma Les 3 Luxembourg
LES AMANDIERS
Un film de Valeria Bruni TedeschiPROJECTION SUIVIE D'UNE RENCONTRE-DÉBAT AVEC VALERIA BRUNI TEDESCHI
Débat animé par : Jean-Jacques Moscovitz, Laura Kofler, Simone Wiener, Lysiane Lamantowicz, Hélène Godefroy…
SYNOPSIS :
Fin des années 80, Stella, Etienne, Adèle et toute la troupe ont vingt ans. Ils passent le concours d’entrée de la célèbre école créée par Patrice Chéreau et Pierre Romans au théâtre des Amandiers de Nanterre. Lancés à pleine vitesse dans la vie, la passion, le jeu, l’amour, ensemble ils vont vivre le tournant de leur vie mais aussi leurs premières grandes tragédies.
LES AMANDIERS, avant-propos :
« …ÉTIENNE, son visage et ses mots, si proches du visage du spectateur, énonce son désir d’attraper le bras d’un quidam dans la rue comme pour s’en approprier, en faire son prochain, un soir de présence de son être accroché à un autre. Un être créé comme au théâtre de Tchekhov. Comme, oui, ce plus beau mot de la langue française, selon Aragon. Et de toute langue où la métaphore de l’être-au-monde exige l’art. Ici du cinéma. La psychanalyse, selon moi, est là invitée, convoquée : Freud se le dit à lui-même dès le début de son œuvre-art où il écrit son désir d’exister comme une sorte de « chose », où le prochain en soi au plus profond, s’inscrit et a pour nom la Mère. Étienne nous le crie, son propos est très précisément mis en images : de n’aimer que sa mère plus que lui-même et que tout autre. STELLA, il l’aime à en jouir à mort. Va -t’elle le sortir de ce monde-mère sans limite, dont le père est dissous, au point où vie et mort se confondent. La caméra ici rend le spectateur témoin de cette recherche dans et par l’amour d’un prochain, d’un bout d’être que Stella incarne et désire mettre au monde.
Les AMANDIERS, film à voir et à revoir, à aimer…à étudier… »
JJMOSCOVITZ
NOVEMBRE 2022
DIMANCHE 27 NOVEMBRE 2022 à 20h
Cinéma Les 3 Luxembourg
TORI ET LOKITA Un film de Jean-Pierre et Luc Dardenne
PROJECTION SUIVIE D'UNE RENCONTRE-DÉBAT AVEC LUC DARDENNE
débat animé par : Jean-Jacques Moscovitz, Simone Wiener, Laura Kofler, Lysiane Lamantowicz, Françoise Moscovitz, …
synopsis : Aujourd’hui en Belgique, un jeune garçon et une adolescente venus seuls d’Afrique opposent leur invincible amitié aux difficiles conditions de leur exil.
l’avant-propos de Jean-Jacques Moscovitz : … « Sans papiers mais non sans désir, Lokita se tape la tête contre les murs tant les charges qu’elle subit, l’obligent à être tel un objet de consommation, comme un smartphone si présent dans le film, cette sorte d’objet acteur, sur lequel il suffit d’appuyer, pour obtenir de Lokita ses services. Son argent, son corps de jeune femme, et même son regard . Seule sa propre crise d’angoisse lui rend un temps vécu par elle.Tout comme la rencontre désirée et reconstituée avec son frère … TORI, il est né en 2011, le seul à l’orphelinat à être né en 2011. Donc c’est lui le frère tant aimé.Tous deux s’inventent leur subjectivité dans leur exil, de migrants. Esclaves modernes. Exil que chacun d’entre nous a pour centre, comme lieu exilé du domaine conscient, comme vide, celui de l’inconscient, celui subjectif excentré aussi, il nous attire vers lui. Et quand un exil géographique réel a lieu, alors l’exil subjectif doit se réinventer. D’où les fulgurances d’intelligence magnifiques de la mise en scène. Pour détourner les obstacles qui, franchit, n’arrêtent pas de faire désirer la vie. Le désir de vivre ici fait vivre, malgré la soumission à des nantis peu recommandables. Qui nourrissent à foison l’inhumanité si fréquente aujourd’hui à la condition humaine … Bravo aux frères Dardenne. »OCTOBRE 2022
DIMANCHE 2 OCTOBRE 2022 à 20h
Cinéma Les 3 Luxembourg
TOUT LE MONDE AIME JEANNEUn film de Céline Devaux
Projection suivie d’une rencontre - débat avec Céline Devaux
débat animé par : Jean-Jacques Moscovitz, Fred Siksou, Lysiane Lamantowicz, Laura Kofler, Simone Wiener, Françoise Moscovitz, Annie Staricky…synopsis : Tout le monde a toujours aimé Jeanne. Aujourd’hui, elle se déteste. Surendettée, elle doit se rendre à Lisbonne et mettre en vente l’appartement de sa mère disparue un an auparavant. À l’aéroport elle tombe sur Jean, un ancien camarade de lycée fantasque et quelque peu envahissant.l’avant-propos de Jean-Jacques Moscovitz : … Elle l’appelle enfin de son nom : Jean ! Et lui, il l’appelle : Jeanne, de son nom …L’amour jouxte au cœur de la douleur. Pour Jeanne c’est un deuil intra familial très récent et une catastrophe politique et professionnelle. Lisbonne, le port industriel. C’est leur lieu de leur déclaration d’amour. Mais en plein vacarme du monde, Nausicaa ne sauve pas, le projet de Jeanne Mayer qui tombe à l’eau…Le miracle de la protection de notre merveilleuse Terre Mère contre l’effet de serre est au fond des mers. Jean et Jeanne se nomment comme dans la bible. Pour exister dans les mots, les leurs, les traits signifiants de leurs pensées intimes. Ces traits ici sont dessinés, illustrations animées par la créatrice du film, Céline Devaux. Par de tels traits parlants, parlés, les images redoublent de présence. Sortie intacte du passé infantile, une réserve d’amour de tous pour Jeanne crée du désir chez chacune, chacun. Oui les vocables dépression, hôpital, névrose, souffrance psychotique, psychanalyse, balisent le vécu du spectateur pour accueillir une hypothèse, actrice principale du film, celle de l’amour. Chacune, chacun redécouvre son désir de parole de mieux en mieux. Qui parle offre de l’amour, qui écoute en reçoit. Les bogs, les achoppements toujours là forcent à vivre. Les silences des couleurs enchaînent les mots pour les rendre instants sur fonds de vrais moments subjectivants. Le spectateur est invité à regarder les héros s’entre-naître par un travail de deuil face à l’angoisse et l’adversité intimes de chacun. Leçon de rencontre, de désir d’aimer pour nous tous »...AVRIL 2022
LUNDI 18 AVRIL 2022 à 20h
Cinéma Les 3 Luxembourg
TROMPERIE
Un film de Arnaud Desplechin
Projection suivie d’une rencontre - débat avec Arnaud Desplechin
débat animé par : Jean-Jacques Moscovitz, Fred Siksou, Lysiane Lamantowicz, Laura Kofler, Simone Wiener, Françoise Moscovitz…synopsis : Adaptation du roman Tromperie ("Deception" ) de Philip Roth (1994)Londres - 1987. Philip est un écrivain américain célèbre exilé à Londres. Sa maîtresse vient régulièrement le retrouver dans son bureau, qui est le refuge des deux amants. Ils y font l’amour, se disputent, se retrouvent et parlent des heures durant ; des femmes qui jalonnent sa vie, de sexe, d’antisémitisme, de littérature, et de fidélité à soi-même… l’avant-propos de Jean-Jacques Moscovitz : …« Hello love, my old friend, I´ve come to talk with you again… ». (in Sound of silence)Savoir y faire, cela va sans dire, Tromperie lie adultères et des amants, là où la rencontre accueille l’amour dans la jouissance captant les désirs. Arnaud Desplechin par la lumière de l’amour filme les pourquois éternels des amants . L’encre de Philip Roth nous offre les comments qui font lieu longtemps après quand l’amour s’en est allé. Hello love, es-tu le maître du jeu de l'État amoureux où les amants croient le tenir? En vain. Le joli corps tout entier de l’héroïne le sait. Oui elle, elle le sait: l’amour et le savoir sur l’amour font fusion ou rupture. Yeux fermés, elle, l’actuelle pour toujours, décrit exactement chaque détail de tous les détails de la petite pièce sans lit mais avec « un tapis de plastique pour exercices lombaires et adultères ». Des questions plein les livres et les images, pleins de détails sur les juifs et Israël. Hello, love ! une seule fois ok ou game over? L’actuelle va-t-elle retenir ces lieux du réel de l’amour en cours? Oui, mille fois oui, ça fait traces, dans son ventre, il y aurait « comme une boule », un risque grave, de maladie … Déjà parti ailleurs, love laisse-t-il des traces , l’ancienne maîtresse de New-York n’a plus que ce « ça-là » à lui offrir, l’hôpital. Ennui de Philip… pour qui l’amour ne cesse pas de s'écrire, et aussi pour tous de se filmer, se chanter: Hello l’amour ne me quitte pas, « Et le temps perdu À savoir comment Oublier ces heures Qui tuaient parfois À coups de pourquoi Le cœur du bonheur » (Jacques Brel)Love et ses « Voluptueux péchés de la chair. Sous son joug. Irrésistiblement emportée » n’ont rien d’une « tomographie de l’aine au coeur…» Si l’amour fait trace dès son arrivée, l’orgasme ne s’inscrit pas dans le corps cérébral. Et appelle répétitions. L’ailleurs, hello love ! …février 2022
Dimanche 20 février 2022 à 20h
Cinéma Les 3 Luxembourg
MINA TANNENBAUM
Un film de Martine Dugowson
France 1994 - 2h8mn - Copie 35mm
Projection suivie d’une rencontre débat avec Martine Dugowson
débat animé par : Jean-Jacques Moscovitz, Fred Siksou, Lysiane Lamantowicz, Laura Kofler, Simone Wiener, Françoise Moscovitz…synopsis : Deux filles naissent le 15 avril 1958 dans le même hôpital. Mina est myope et porte des lunettes dès l'âge de cinq ans. Ethel sera grosse jusqu'à la fin de son adolescence et sa mère lui interdit d'épouser un goy. Alors âgées de dix ans, timides et complexées, les deux filles se rencontrent sur un banc à Montmartre. Elles deviennent amies. À seize ans, elles sont toujours sur ce banc à parler de la vie, des gens et de l'amour. À trente ans, elles n'en peuvent plus de se ressembler et de parler de leur vie…l’avant-propos de Kliclo Monkowicki : C’est au cours d’un de ces magnifiques dîners-rencontres qu’organisait Pascal Kané, qui aimait cuisiner autant qu’il aimait le cinéma et l’art, que nous avons fait la connaissance de Martine Dugowson. C’est aussi en sortant de cette soirée qui devait être la dernière pour nous, mais nous ne le savions pas (il décèdera quelques mois plus tard) que j’ai proposé à Jean-Jacques Moscovitz de projeter "Mina Tannenbaum" au Regard Qui Bat .Mina Tannenbaum ! C’est ma fille de 20 ans qui, lorsqu’il sortit, m’avait dit : « Va voir ce film, on dirait qu’il a été tourné pour toi ». Ce fut un choc !Mina Tannenbaum, c’est la destinée de deux gamines, nées le même jour et qui vivent les étapes de l’existence, main dans la main ou dos à dos, dans les rires et les larmes, les révoltes et les émois, la complicité et les disputes, nostalgiques et impatientes, soudées par moments ou séparées par les aléas de la vie. Comme tout le monde, en quelque sorte.Sauf… Que l’une est ashkénaze, fille d’une mère dépressive, rescapée de la Shoah, qui pourfend sa fille de ses larmes, de son chagrin et de sa culpabilité. L’autre est Sépharade, fille d’une mère intrusive qui l’entrave de ses craintes infondées, ses plaintes et ses angoisses asphyxiantes. Toutes deux se débattent pour ne pas être détruites par ces mères anxiogènes. L’une a peur de vivre. L’autre de mourir.En ce temps-là, la France n’était pas prête à entendre son histoire. Réalisé bien avant le procès Papon (1997/98) et l’édification du Mémorial de la Shoah (2005), il soulève la chape du silence qui enveloppait encore l’existentiel juif.Faire appel à l’art, pour évoquer ce passé douloureux et obsédant est aussi méritoire. Le remarquable choix de l’œuvre du peintre Zwy Milshtein, envahie par les fantômes, éclabousse l’écran par la violence de la couleur, de la trace et la profondeur de la matière.Mais face au poids de l’histoire qui écorche, le génie suffit-il à vivre ?Film culte car à la marge ; quasi confidentiel. Et même si le monde a changé, "Mina Tannenbaum" continue de porter, comme une onde de choc, cette nostalgie qui accompagne les instants inoubliables de la vie.la réponse de Martine Dugowson : Merci pour le texte qui me touche. Pour préciser les choses, je dois dire que le film n'était pas confidentiel à sa sortie mais que le thème de l'héritage juif n'a pas été relevé ou quand il l'a été, il a déplu dans le milieu ashkénaze à la génération qui avait vécu la guerre enfant. D'ailleurs, il y a un blocus/blocage en France à ce sujet. Le livre d'Helen Epstein , "Le traumatisme en héritage" (Children of the Holocaust) édité aux USA en 1988 et qui parlait précisément de la transmission des traumatismes de la Shoah n'a été traduit en France qu'en 2012 alors qu'il avait été traduit très vite dans d'autres pays dont Israël.l’avant-propos de Lysiane Lamantowicz : 1994 , un film sur ma jeunesse deux amies nées un mois avant moi. Mon enfance, mon adolescence de fille juive dans les années 75/80 , insouciance et perplexité . je regardais ce film avec mes filles dans les années 2000 , 25 ans après, tout était différent et pourtant il était encore possible de s’y reconnaître pour elles . Travail de la mémoire, images fugitives , fragments du passé. À l’époque, on croyait encore à une certaine intemporalité du désir féminin et humain en général avec ses zones obscures, ses souffrances, ses plaisirs ou les deux liées . Il n’était pas question d’éradiquer le patriarcat, de reprogrammer le désir féminin conditionné par les stéréotypes de genre ou de réinventer le genre. On bricolait comme on pouvait , tiraillées entre le désir de s’émanciper et celui de plaire , ça coïncidait un peu, ça boitait beaucoup . Tout n’était pas le résultat de la performativité . On croyait encore possible d’articuler biologique et psychique dans une dialectique subtile à explorer . On était pour la libération de la femme, les mêmes droits et l’absence de discrimination au travail . Le souci de totalement éradiquer la violence patriarcale , idéologie totalitaire qui exerce en retour une violence radicale, n’existait pas . Bref mes filles et moi regardions ce film qui parlait de cette période à la fois radicalement excitante et radicalement douloureuse , l’adolescence . . . De l’amitié qui est toujours un mélange d’amour , de sublimation et de rivalité . Du paradis perdu de l’enfance . De la difficulté à devenir adulte , du renoncement aux idéaux , des amitiés qui se brisent comme se brisent les histoires d’amour alors que l’amour dure toujours . Est-ce que tout ça est pure construction culturelle, étions-nous juste victimes des stéréotypes de genre, d’un conditionnement performatif . Ou y a-t-il des invariants structurels au-delà de la culture désir masculin / désir féminin que chaque époque formule avec ses signifiants spécifiques : « penispied », Nom-du-père, régime de domination patriarcal ? Mais qu’ on peut à chaque époque, entendre de notre place, avec notre écoute sans être enfermés dans des stéréotypes . Ce film en est la trace, la preuve à la fois daté par son contexte historique, ses modalités de dire et intemporel car nous nous y reconnaissons tous en tant qu’êtres désirants .
l’avant-propos de Jean-Jacques Moscovitz :
« … Paroles mots regard à regardVérité inscriteLiens immensesAu présent dans la villeRues de ParisDécoupe du ciel d’arbres et de toitsImages et lunettesSouvenirs projets Regrets trahisons
Pardons en cours« Insolence des certitudes » de l’amourAdverbes proverbes nomsFulgurances des voix mots malicieux
Chapeaux, visages lumineux, rires et pleursChien qui dort,Femmes bellesDans de belles rues de Paris
Des mots qui courentPeintres peintre peintreFilles fille fille fille vraiment filleOn veut en savoir plus
Elles savent et ne savent pas le direAmour amitié désirJuive non juiveDalida Rita Hayworth Gainsbourg Kafka Enrico
Valse de Mélody« Le soleil est rare , le bonheur l’est aussi »…« Il venait d’avoir18 ans »Jazz mélodie
Rouge écran noirImages pour toujoursPour demainMagnifiques d’amour et de vie »…
novembre 2021
Dimanche 14 novembre 2021 à 20H30
Cinéma Les 3 Luxembourg
SERRE MOI FORT
Un film de Mathieu Amalric
Projection suivie d’une rencontre débat avec Mathieu Amalric
débat animé par : Jean-Jacques Moscovitz, Fred Siksou, Vannina Micheli-Rechtman, Laura Kofler, Simone Wiener, Françoise Moscovitz…
synopsis : Ça semble être l’histoire d’une femme qui s’en va.l’avant-propos de Jean-Jacques Moscovitz : « Disparition et trauma ici se nouent, se dénouent, font silence. Vont-ils revenir ? Ils sont attendus pourtant , s’ils reviennent, ce sera sous la forme d’éclair, d’une flèche immenses pour qu’on n’oublie plus: un tel retour du trauma est traumatique.Nos forces psychiques servent à faire silence, construire du silence, et il ne reste plus qu’à le visiter. C’est ce que fait l’héroïne qui arpentant en imagés ses pensées, celles qui ne peuvent être oubliées, fait le film, elle est la caméra du metteur en scène , c’est elle qui guide le spectateur merveilleusement par sa grâce et son mystère, énigme de ce qui va revenir. Le Je se fait nous, et le nous devient ils , eux ils ne peuvent pas penser, ils ne font que répéter ce qui leur est arrivé avant. C’est elle qui les voient ainsi dans son activité de deuil. Où le mot « parti » veut dire mort et aussi revenir plus tard… Car le néant est méconnu de l’enfance. L’adulte, cette héroïne, à faire une fois SON deuil, elle sait alors que l’amour qui la porte c’est pour et par qui elle vit sa pensée, eux ils ne pensent plus. Des forces psychiques d’amour qui s’échangeaient entre eux tous, elle est la seule qui reste et qui a ainsi construit un départ qui aurait pu être le leur. Trop surchargée de leurs forces psychiques -de « libido » - et de la sienne aussi, voilà que se déclenche la vérité , ils vont revenir tout à l’heure. En plein soleil, en plein été lorsqu’il y a la fonte des neiges dit-on , c’est en fonction du temps. Alors le futur va peut-être reprendre sa place quand même, être plus loin que le passéCertaines fois les disparus font signe aux vivants qu’ils ne sont pas revenus et qu’ils ne reviendront plus jamais. Plus du tout, sans sépulture. Surmonter l’insurmontable : le cinéma est là pour ça , l’héroïne aussi, oui c’est elle qui crée le film, c’est elle qui nous dit le chemin pour tenir en tant que vivant, à vivre le plus longtemps possible pour ceux qui ne sont plus là . Le deuil, c’est autant de temps à gagner à ne pas en mourir… »
Avril 2021
Dimanche 18 avril 2021 à 19H
En visioconférence Zoom
VISIONNAGE D'EXTRAITS D'UNE SÉRIE TV SUIVI D'UN DÉBAT
EN THÉRAPIE
France 2021- une série réalisée par Eric Toledano & Olivier Nakache, Mathieu Vadepied, Pierre Salvadori et Nicolas Pariseravec Frédéric Pierrot, Carole Bouquet, Mélanie Thierry, Reda Kateb, Clémence Poésy, Pio Marmaï, Céleste Brunnquell…débat animé par : Catherine Erman, Laura Kofler, Maria Landau, Simone Wiener, Françoise Moscovitz, Vannina Micheli-Rechtman, Fred Siksou, Jean-Jacques Moscovitz…
synopsis : Au lendemain des attentats de Paris du 13 novembre 2015. À travers les séances hebdomadaires de cinq patients, la série “En thérapie” porte un regard plein d’humanité sur les failles et les contradictions d’une société française en état de choc…l’avant-propos de Jean-Jacques Moscovitz : "... Le héros principal d’un film est d’ordinaire un acteur , mais ce peut être aussi un objet, une idée, une notion. Dans En thérapie c’est la vérité de la parole échangée. Cette vérité de la parole c’est ce que le metteur en scène dirige pour que nous voyons un film. En thérapie est un film de cinéma qui pourrait passer pour l’investigation d’un grand chroniqueur qui filme comment ça fonctionne la psychanalyse aujourd’hui. Comme spectateur je trouve qu’il y a une vraie richesse dans la succession des sketches . C’est comme ça que je regardais la série des épisodes. Mais très vite j’ai apprécié le mouvement de grande générosité des différentes séquences malgré des difficultés complexes pour construire une unité dans l’ensemble des 36 moments à passer avec les acteurs, les gens qui viennent voir un analyste et ceux qui les reçoivent. Nous sommes du même bois de vérité disait Lacan pour celui qui frappe à la porte d’un psy et le psy qui reçoit sur son divan la parole de vérité, la parole et sa vérité. Il y a même un moment dès le début où Ariane inverse les rôles, il y a une inversion de la demande de vérité. C’est le praticien qui suppose à Ariane une vérité sur la féminité, l’amour, la séduction dans laquelle il tombe, volontairement. Il tombe en ne voulant pas le savoir et pourtant cela se révèle à lui petit à petit. La jeune Camille nous révèle les amours tordus où elle se retrouve malgré elle, ce qui l’oblige à tricher jusqu’à ce que la vérité de la parole se fasse entendre. Elle sait qu’elle aime, elle nous transmet que l’amour existe, c’est dans ses yeux. Pour les autres épisodes il est clair que la structure même et le déroulé même du discours image ont cette force qui dépasse le professionnalisme des réalisateurs. Voilà une transmission de la vérité d’un lien qui dépasse la technique et c’est toute la générosité de ses équipes de scénaristes, d’acteurs, de metteurs en scène qui sont dépassées par la force de ce qui est le transfert c’est-à-dire ce lien privilégié distribué dans tout acte de parole avec un interlocuteur . Et dans l’analyse, c’est ce à quoi l’analyste lui fait de la place afin de le dissoudre pour que l’histoire du sujet émerge, que le sujet puisse s’appuyer sur son histoire et non plus sur ses symptômes. Les analystes évoquent souvent que la transmission de la psychanalyse reste énigmatique, En thérapie aussi...mais avec une simplicité qui donne le goût de son inconscient en levant l’option que ce ne soit que le privilège de certains alors que ce film l’offre à chacun-e… "
Février 2021
Dimanche 7 février 2021 à 19H
En visioconférence Zoom
VISIONNAGE D'UN FILM SUIVI D'UN DÉBAT
La Théorie du Fantôme
un film de Pascal Kané - France 2001
présentation par Pascal Kané : En retrouvant une correspondance de Pologne adressée à mon père, à Paris, et datée de 1939, j’ai compris que sa mère et ses sœurs, disparues en 1942, étaient devenues des fantômes. Par fantômes, il faut entendre des morts sans sépulture dont la plainte, inextinguible, s’est perpétuée jusqu’à aujourd’hui. Ces fantômes, je l’ai découvert, eurent aussi une existence matérielle : ils habitèrent avec nous l'appartement familial. Étant parvenu à comprendre les tourments ainsi causés à mon père, il m'appartenait de ramener ces femmes sur le lieu de leur disparition et de les y enterrer, délivrant mon père et moi d'un terrible fardeau et me réconciliant, vingt ans après sa mort, avec lui.
l’avant-propos de Jean-Jacques Moscovitz : "... Les lèvres d’Eva, traductrice depuis le polonais, tissent les mots, et la voix off pleine de déférence filiale du narrateur-réalisateur nous emmènent dans un « film-voyage » à travers des lettres de femmes qui sont en grand danger au ghetto de Lodz. Elles subiront l’extermination à Chelmno/Ner par le gaz nazi. Le récit est le film dont les images nous conduisent dans la mise au jour de l’histoire d’une famille judéo-polonaise. Les lettres, si poignantes, font œuvre. Elles s’adressent à un homme, étudiant en médecine en France. C’est Léon, ces femmes sont sa mère et ses sœurs. Elles sont liées, emmêlées par leurs phrases qui implorent ce fils, ce frère, de leur envoyer nourriture et vêtements. Nous sommes dans ces années terribles des exterminations nazis des juifs de la Pologne nazifiée. 1939-1940-1941-1942-1943… C’est lui Léon qui sera le père du narrateur, notre ami Pascal Kané, membre assidu du « Regard Qui Bat… ». Pascal est décédé ce 31.8.20. La théorie du fantôme, c’est son histoire paternelle, faite d’énigmes, de secrets, de silenciations qui se nouent, se dévoilent, se cachent à nouveau. Un détail que l’intelligence psychanalytique de Pascal K. révèle. Il concerne le fantôme qui hantait Léon, du fait de la disparition de sa mère et de ses sœurs. Le détail c’est l’étonnante présence dans son bureau médical de la reproduction de La Sainte Anne de Léonard de Vinci . La mère de la Vierge Marie. Qui dans La Vierge Marie et l’enfant Jésus soit toutes deux l’une sur l’autre, jambes emmêlées dans la draperie bleue qui les enserrent, Jésus sur leurs genoux. Avec l’agneau Pascal , oui Pascal, juste à côté . Oui, les femmes de la famille de Léon emmêlent leurs appels au secours et leurs corps encore vivants dans leurs lettres lues par Eva…. Tout comme Léonard peint son monde maternel habité de plusieurs femmes, Léon garde ainsi secret son fantôme selon son fils Pascal. Mais le fils perçoit ainsi la « théorie », le fantasme de son père. Sa perception structure, apaise et produit la levée de l’énigme du silence de son père et la façon dont celui-ci aura protégé son fils . Le film-voyage a lieu en 2000, sortie du film la théorie du fantôme . Voilà un deuil réussi par cette mise à jour grâce à la littérature, l’art du cinéma et la peinture. Dès lors jaillit en 2010 « Je ne vous oublierai jamais » filmant la vie de son Père et ses immenses espoirs de sauver toutes ses femmes de son enfance . … " lire ici la présentation du film "Je ne vous oublierai jamais" et écouter l'enregistrement du débat avec Pascal Kané
mars 2020
Dimanche 8 mars 2020
En Avant-Première
L'Automne à Pyongyang
un film de François Margolin - France 2000
Projection suivie d'une rencontre-débat avec François Margolin
débat animé par : Jean-Jacques Moscovitz, Fred Siksou, Simone Wiener, Françoise Moscovitz...synopsis : Le dernier grand voyage de Claude Lanzmann, le célèbre réalisateur de "Shoah". En Corée du Nord. Il parle de la vie, de Simone de Beauvoir, de Jean-Paul Sartre, du communisme, de la mort...
l’avant-propos de Jean-Jacques Moscovitz : "... La caméra de François Margolin filme Claude Lanzmann, son visage, ses mots, son style, ses silences, sa capacité d'étonnement, l'incarnation d'un souvenir "écran" d'une merveilleuse histoire d'amour de la vie, d'amour du désir , de l'élan infini entre lui et une femme au sourire toujours présent, intact et magnifique, déjà mis en scène dans Napalm par Lanzmann lui-même . Et que L'Automne à Pyongyang par sa beauté, nous fait revivre . Un tel amour embellit les gens, les images, les mots, les films, les corps, le temps, les âges, la vie. L'Automne à Pyongyang et Napalm sont des films d'amour contre la violence des guerres. Acte formidable de la victoire sans faille de l'intime sur le politique, du désir d'amour dans sa singularité la plus mystérieuse contre les organisations collectives quelles qu'elles soient. Shoah et son auteur, sont en lutte ici contre tout ce qui taire toute parole, et qui avec un humour mille fois en acte - comment faire une omelette avec des baguettes ! - donne vie, futur, avenir. Exemple de lutte contre un conformisme lâche et enténébrant si fréquent de nos jours. François Margolin montre l'artiste qui par son acte crée le sujet, le monde du sujet où l'amour enrichit le sentiment de la permanence de soi-même. Et rappelle à chacun son désir d'enfance, d'être enfant qui vit un présent qui, ayant déjà eu lieu avant , sans cesse s'innove au cinéma. Qui fait exister ce qui n'existe pas "avant d'être mis en images". Il dit l'amour actuel des lieux d'avant. Acte de dire le maintenant d'un Là était Le Lieu ... Toujours vécu dans l'instant éphémère du présent ... "
à propos du film par Fred Siksou : Ce "dernier" automne de Claude Lanzmann, ce dernier voyage encore plus lointain que la Patagonie... au bout du monde et de nulle part. Cette fiction d'une fiction avec des Juifs, des communistes, Israël et avec Sartre, Beauvoir et Shoah… Le sourire de Claude Lanzmann faisant face à l'effigie sourire de Kim Il-sung le « grand dirigeant immortel » en tous lieux reproduite, sa souffrance de se savoir au bout de son voyage et de le laisser porter à l'écran par François Margolin. François Margolin compagnon de cet ultime voyage en Exopotamie, signe avec L’Automne à Pyongyang un portrait de Claude Lanzmann d’une grande justesse, et un si singulier testament…
Février 2020
Cinéma Beau Regard
Dimanche 2 février 2020
PROJECTION SUIVIE D'UN DÉBAT
La Dernière d'Entre Elles
un film de Pierre Goetschel - France 2019
Projection suivie d'un débat avec Pierre Goetschel
débat animé par : Jean-Jacques Moscovitz, Simone Wiener, Fred Siksou, Michel Gad Wolkowicz...En présence d'Elie Buzyn, auteur de "J'avais 15 ans, vivre, survivre, revivre " éditions Alisiosynopsis : Pierre Goetschel a rencontré miraculeusement Rosette, la dernière survivante d’un petit groupe de femmes rescapées d’Auschwitz-Birkenau, dont sa grand-mère Fernande a fait partie. À partir des fragments exhumés de leurs récits écrits dès leur retour, il retisse la destinée tragique de ces femmes indéfectiblement liées par le destin. Mais Rosette, elle, n’a pas écrit et a préféré se taire pendant plus de soixante ans. Arrivera-t-elle à lire le texte de son amie Fernande ? Entre les premiers témoignages et la présence singulière de Rosette, le film interroge au plus intime ce qu’il s'est passé "là-bas" pour ces femmes à Auschwitz.l’avant-propos de Jean-Jacques Moscovitz, Simone Wiener, Fred Siksou : « La dernière d'entre elles, c'est d'abord et aussi, "...entre elles", le lien entre ces femmes. Et les images de Pierre Goetschel nous les présentent; et nous sommes avec elles dans l'enfer qu'elles ont vécu, sans que jamais l'intolérable nous oblige à fermer yeux et oreilles. Ainsi ce film fait, permet une écriture, et ce n'est pas son moindre mérite. L'une, est-il dit par une des lectrices, évoque le vol d'une mouche, pour dire l'appel de la liberté..., la lutte contre la solitude. Rosette Lévy est parmi nous, et par son silence qu'elle nous transmet, elle se protège, nous protège de cette laideur immense sur ce qu’il s'est passé "là-bas". Douleurs. Désarroi sans nom et pourtant nommés avec l'élégance de sa présence vis-à-vis d'elle-même comme pour ses amies. Suzanne, Fernande, Hélène et d'autres revivent; elles sont magnifiques de vérité. "Là-bas" est le mot qu'elles utilisent pour désigner le camp. Anne-Lise Stern déportée nous l'enseignait dans ses si nombreuses et inoubliables paroles de témoin sur "Histoire, Camps. Psychanalyse". Impossible de constituer un savoir fini, un objet d'archive sans vie. Ainsi avec ce film, "Là-bas" est actuel. Il se continue, aujourd'hui avec ces images qui nous montre la Marche de la mort où des dizaines de milliers d'internés sont traînés sur les routes, abattus, gardés comme butin, de camp en camp, jusqu'à l'arrivée de l'Armée Rouge à Auschwitz, fin janvier 1945. Peut-on dire fermeture du camp, libération... ? Aucun mot ne convient, sinon sans doute, lieu de sépulture pour tant de disparus, de leur corps, de leur nom, de leur histoire intime. Ce film nous dit l'intime de ces femmes entre elles, "là-bas". Elles apparaissent comme des matriarches. Elles ne peuvent être effacées. Elles sont toutes aussi premières que dernières... Sans fin est la vie, la vie de chacune, sans fin est la force de vivre, malgré tout ... par leurs écrits, par les images de ce film qui, à notre tour, nous font témoins. C'est la force de ce film de constituer une écriture. Ainsi et aussi. Pour nos enfants, les enfants de nos enfants...