Adresse de Jean-Jacques Moscovitz à Psychanalyse Actuelle pour 2022 - 2023

Sexuel, existence et destin du manque

 

Sexuel dans son parcours psychique est-il tel que l'enfant avant de trouver son genre sexué –est-ce temporel- est d’abord dans un « état » d'incertitude d’être lui-même vivant ou déjà mort, s'il est une chose ou un être animé.

Les destructions et la haine d’Etat s'inscrivent dans ce parcours. L’actuel de nos jours nous fait savoir qu’un adolescent, un jeune adulte peut devenir un futur possible kamikaze. Le procès des attentats de Paris, de Nice, et d’ailleurs, ne montrent-ils pas, qu’au pire de l’horreur, l’assassin est ramené à ce moment de non-vie psychique où la cruauté primordiale de la pulsion de mort désimbriquée Eros le capte à

mort. Le voilà dans une aliénation meurtrière et suicidaire. Où mort et vie ne valent plus rien.

D'où la question : ce moment où il est, est-ce avant l'indéterminé ou le déterminé du sexuel ?  Là où fusionnent le rien, la non-vie, la non-mort qui se rembobinent comme au ciné vers la compacité du réel. Ce qui est montré là, ce temps, ce vide originaire sans nom nous enseigne-t-il par un tel parcours à rebours vers le néant, sur le départ du sexuel ? 

Sexuel qui de fait sert dés lors de barre, d’index à l’avant-présence, à l’avant-absence, au soubassement de ces moments de non-vie/non-mort...

Le sexuel serait celui d’un ÇA actuel qui nommerait l'entre sexe et existence, devant les effets du trans-genre, trans-sition identitaire. Œuvre en cours du #metoo et aussi, ne l’oublions pas, des conflits du mariage pour tous, de l’émancipation des femmes, du féminin comme jamais.

 

Là est attendu, la pratique en témoigne, l’inscription de l’index du sexuel, qui se percevrait au niveau d’un collectif presque conscient, et de là les gens vont descendre dans la rue. Et ce pour refuser ou reconnaître la différence des sexes comme produit bourgeois soi-disant, une faute à punir, comme le trop de père, pourtant déjà très mort depuis toujours. 

Voilà en tous cas ici que l’intime du sujet manifeste dans la rue ! en lieu et place du collectif. Les médias s’en pourlèchent les babines. L’Ere de la Revendication, de Benjamin Lévy tempère quelque peu les ardeurs foisonnantes dans nos Cités, celles qui brouillent tout brillamment ou pas, par les bons médias et les moins bons.

 

Le sexuel de Freud, on le sait, repris par Lacan avec les formules de la sexuation, n’est pas la différence des sexes, mais l’existence du manque. Chacun des deux sexes s’en fait un lot qui leur est commun. Manque qui se fixe à telle ou telle pulsion partielle, pour prendre en charge ces zones en dessous du conscient dans ces moments pré-alables, rembobinés.

Là Transgenre, Transvie, Transmort se mêlent à nos désirs, à nos dépens, à nos amours…Le sexuel recouvre l’en-dessous du monde psychique humain attiré sans cesse vers l’immonde de la non-vie…

 

Est-ce ici la crise de notre idéologie de lutte de classes qui se désagrège encore et encore en inversant les luttes collectives en luttes des intimes entre eux …Déclasser les luttes de leur poids historique !

Est-ce là une crise et ses effets, ou est-ce un habillage par ses effets mêmes, un habillage du retour d’histoire : la Guerre de 1939-45 n’est soi-disant pas terminée, ce qui arrive à l’Ukraine nous le dit. Arrêt du temps utilisé comme une marchandise. Mais l’art du cinéma sait dire les crimes de juifs près de Kiev, crimes mis en film sorti récemment en 2022, avec le nom de Babi Yar Contexte, excellent titre donné par le cinéaste Sergei Losnitza à cet événement de Babi Yar où 33771 juifs furent assassinés. Le film rétablit le contexte de 1943, date des meurtres, et met ainsi les pendules à l’heure de notre ACTUEL.

 

Alors que l’Est de l’Europe, la Russie, où le pouvoir du masculin veut prouver son existence sans tenir compte du manque propre au sexuel. Masculin qui s’échine à ce que l’abîme frôle le réel comme si on y serait encore.

 

Disons-le ainsi puisque notre association Psychanalyse Actuelle se donne pour tâche de faire enseignement dans des séminaires et des groupes de travail, mais aussi par le Regard Qui Bat, activité de faire lien entre cinéma et psychanalyse : l’INTIME est commun au cinéma et à la psychanalyse.

Le cinéma se charge de montrer ce que fait l’homme dans ses actions bonnes ou mauvaises, et aussi ses succès et ses échecs, alors que la psychanalyse laisse advenir les étincelles de mots qui allaient s’éteindre dans ce dessous de l’immonde, là où se confond vie et mort pour que plus rien ne vaille. En vain… en vain car entre vie et mort, nous dit Freud, il y un léger décalage en faveur de la vie…malgré la politique qui ne fait qu’accentuer, malgré tout, le fait que l’intime échappe au collectif. 

Que devient le psychique est la question clé, que deviennent la psychiatrie, la psychanalyse, la psychothérapie, le lien en institutions ?

D’où l’ouverture cette année d’un séminaire, suivi d’un colloque, sur le rapport entre désir humain et autorité politique de santé « mentale ». Quelles médiations créatrices possibles ?

 

Comment les excitations des pulsions deviennent-elles psychiques, comment le restent –elles, comment s’agencent-elles en discours.

Quels liens entre éthique du parlêtre et amour, loi et jouissance ? se font-ils du mal ? au point que la France et en psychothérapie de soutien, au cinéma, dans des séries, et surtout dans la vie !

Le psychique devient quoi ?


Disons qu’il y a une sorte d’inversion du rapport à la réalité. Freud écrit dans son Esquisse pour une Psychologie scientifique qu’il est facile de répondre aux stimuli externes (la vie et ses besoins : manger, boire, dormir etc.) mais que le difficile, d’où sa découverte/description de l’inconscient, ce sont les stimuli internes créés par les traces des excitations externes. Aujourd’hui ça se serait inversé. L’intime conscient est réclamé partout et les excitations externes, politiques, médiatiques, culturelles, sociales deviennent ingérables. Les stimuli internes, le psychique, seuls tiennent. Oui mais comment ? Les excitations externes sont dérégulées et la réalité est en crise pour être perçue. Elle nous échappe. Elle est floue trop souvent.  Pourquoi ? parce que des retours d’histoire, des violences, sont en cours.


Le psy est là pour les entendre.

Jean-Jacques Moscovitz