De nos jours. Avec La liste de Schindler et Minority Report

Par Jean-Jacques Moscovitz

Extraits du livre

nouvelle édition - Papier Sensible 2013

De sa main gauche, la petite fille fait le geste, le geste terrible de trancher la gorge, signe de mort imminente adressé, en octobre 1944, à un convoi de femmes, protégées par Oskar Schindler qui a obtenu d’Amon Goeth, le chef SS du camp de Plaszow, que ces déportées, « personnel hautement qualifié » soit transférées à Brinnlitz en Moravie et ainsi de les garder en vie. Erreur d’aiguillage : les voilà à Birkenau, le camp d’extermination. Juste avant d’y arriver, cette petite fille polonaise de 7/8 ans fait ce geste, sur le quai d’une gare près d’Auschwitz.

Nous ne sommes pas dans Duel sorti en 1971 de Spielberg, où le bras du conducteur sans visage par la fenêtre du camion-train indique le signal du combat dont seule la mort est l’issue.

Nous ne sommes pas non plus dans Shoah sorti en 1985 de Lanzmann. Où Henrik Gawkowski, en tenue de conducteur polonais, se penche par le fenêtre de la locomotive qu’il conduit en gare de Treblinka, de nos jours. Il fait un geste furtif, celui de trancher la gorge. C’est le même geste qu’il faisait quand, en 1942, il conduisait la même locomotive qui poussait ses 80 wagons vers la rampe du camp de mise à mort. Ce plan d’arrivée d’un train de déportés en gare de Treblinka est l’affiche du film.

Des paysans polonais, dans le film, le font aussi, tel Czeslaw Borowi « il faisait à tous les juifs le geste de se trancher la gorge », pour les prévenir de ce qui les attendait, la mort.  (in Shoah, chapitres DVD 1ère époque, 1ère partie n°21, p.44 du livre, et n°37 à 41, pages 59 à 62).

La Liste : Une enfant devenue trop vite adulte, sans doute déjà avec ses cheveux gris sous son bonnet, elle vivante, sur le quai d’une gare de la Pologne des camps, une autre petite fille juive d’Europe assassinée à Cracovie malgré la couleur rouge, lumière dans les ténèbres, que vous lui donnée dans ce film en noir et blanc, et qui aurait du lui porter bonheur.

Comment de nos jours être enfant, cinéaste, psychanalyste ?

La Liste de Schindler m’accompagne depuis le début de ma lettre que je vous adresse. La voilà qui touche à sa fin. Pourquoi l’associer à Minority Report sorti en 2002? Parce que ces deux fictions ont trait au témoin et au temps de l’acte, au fait de témoigner. Ces deux films ont leur trajet propre, ils se recoupent, et nous voilà témoins actuels en tant qu’adultes de nos jours. Pour les générations d’aujourd’hui et pour celles du futur.

Car c’est bien un peu de nous que nous voyons dans vos films. C’est aujourd’hui que je vous écris, et c’est toujours aujourd’hui que nous les voyons .

En attendant que les générations à venir nous fassent signe, ce qui ne saurait tarder, je le leur souhaite ardemment, je vous prie de recevoir, Steven Spielberg, l’assurance de mes meilleures pensées ainsi que mes salutations les plus présentes.

Votre Jean-Jacques Moscovitz., Paris ce 21 Février 2004 

DEUX FILMS ENSEMBLE

Ils sont alliés ces deux films, appuis, encordés l’un à l’autre. Pour moi, ils sont comme les petits cailloux du Petit Poucet depuis le début de ma lettre, pour ne pas me perdre, et rentrer aussi à ma maison. Oui, Steven Spielberg, ils sont traversés par ce fil rouge particulier celui de « la marine anglaise, dont tous les cordages du plus gros au plus mince sont tissés de telle sorte qu’un fil rouge va d’un bout à l’autre,( …) qui permet de reconnaître aux moindres fragments qu’ils appartiennent à la couronne » …(Goethe, in Les Affinités particulières).

Le lien intime-politique a retenu toute notre attention jusqu’à maintenant, enfant coté intime, politique coté adulte. Et ce pour dé-pervertir le futur, le réparer, voilà l’enjeu de mettre ensemble ces deux films. Comment le meurtre symbolique présent dans notre monde psychique, celui de l’inconscient, comment ce lieu que mettent en œuvre nos rêves, l’art, les films, se trouve réalisé concrètement dans les violences du monde réel. De telles violences impossibles à figurer, sont à questionner avec La Liste de Schindler(1994), celles liées aux filiations le sont avec Minority Report(2002).

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La Liste de Schindler est l’histoire vraie d’un allemand qui au cœur de la Pologne occupée par les nazis fait des affaires, fréquente officiers allemands, et chefs SS, dans les salons de Cracovie, à 60 kilomètres d’Auschwitz. Opportuniste, membre du parti nazi, peu enclin au bonheur de l’humanité, il établit non loin de là dans le camp de travail de Plaszow. une fabrique de céramique et de récipients en émail en utilisant la main d’œuvre juive polonaise à très bas prix. Assistant au massacre de familles juives entières en Mars 1942, il décide de sauver « ses ouvriers » qui de fait sont des détenus hommes et femmes risquant à tout instant d’être transférés à Auschwitz et y être gazés. Ainsi à travers le regard d’Oskar Schindler, vous montrez la terreur de l’époque jusque dans le camp d’extermination de Birkenau où le convoi de femmes est là malgré les précautions de Schindler. Le pire est en passe d’arriver, mais tout finit en un happy end qui ne fait que s’amplifier depuis le début. Les 1100 « juifs de Schindler », c’est leur nom historique, lui devront la vie et leur gratitude de génération en génération. Il sera désigné Juste des Nations à Yad Vashem, le lieu de mémoire à Jérusalem où sont déposés tous les noms des disparus ainsi que les archives les plus importantes de la Shoah.

L'histoire du film est aussi la rencontre avec Itzhak Stern (Ben Kingsley), représentant des juifs auprès de Schindler dans l'usine, Schindler ayant l’appui des nazis, il peut négocier à chaque fois qu'il le faut le sauvetage des ces juifs-là, qui courent à chaque instant d'être embarqués pour Auschwitz à une heure de train de Plaszow, vers l'extermination. Plaszow est dirigé par le SS Amon Goeth (Ralph Fiennes), avec qui Schindler a de longues conversations sur le pardon et le pouvoir…Goeth est cruel et dangereux pour les détenus du camp de concentration, il y aura beaucoup de morts par ses actes de meurtres. Schindler se retrouve donc pris au beau milieu de deux liens contraires entre deux hommes dont l’un est bourreau et l’autre victime menacé de mort, comme tous les détenus du camp.

La liste de Schindler relate fidèlement l'histoire des rafles et de l'extermination des juifs de Cracovie à 10km de Plaszow, le camp de travaux forcés sous direction allemande, où Oscar Schindler, entre en scène.

Les juifs de Plaszow font partie de juifs de Cracovie, qui ont été les premiers juifs à être exterminés en fin 42 à Auschwitz. Du ghetto de Kaziemerz, quartier juif d’avant la guerre, ils sont transférés en mars 42 au ghetto nazi coincé entre la rivière, une falaise infranchissable, et la ville polonaise occupée.

La fin du film, qui s’inspire de l’ouvrage de Thomas Keanelly, (Ed. R.Laffont 1994), montre le sauvetage d’hommes et de femmes dont la plupart ont réussi à fonder un foyer, à prospérer au point qu'il y a « plus de descendants des ‘Juifs de Schindler’ que dans toute la Pologne aujourd'hui ».

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Quand j’ai vu La liste, j’ai été ému aux larmes par ces deux enfants, l’une polonaise, l’autre juive au destin si différent, qui vivaient à quelques dizaines de kilomètres l’une de l’autre jusqu’au réel qui s’est produit.

Je me suis demandé, ne retrouvant pas dans le livre de Keanelly, le geste fait par la petite polonaise, si vous l’aviez emprunté à Shoah, au cheminot polonais en signe de reconnaissance entre cinéastes…

L’un de mes enfants m’a fait la remarque que la plupart des spectateurs était plus sensibles à ce que Schindler sauve des juifs qu’au fait que des juifs soient assassinés. La remarque est pertinente.

De quoi donc La Liste me faisait-elle témoin ? était-ce bien de cela ? car la plupart des personnages juifs de La Liste, en effet, contrairement au livre de Thomas Kineally, sont comme des figurines, voire plutôt comme des santons, sans haine, sans idée de révolte, sans honte d’être devant une horreur sans nom…Est-ce la direction d’acteurs que vous avez choisie telle qu’à devoir jouer la soumission aux nazis, et aussi d’être si bien protégés contre eux par leur futur Juste des Nations, ces personnages se retrouvent dans une positon presque christique de rédemption devant une humanité qui a choisi le pire ? d’avoir à ce point raison d’être des victimes et à être sauvées, les voilà sans ressort, uniformisées, sans paroles, passant au second plan de l’action ? Action alors dominée par la présence de deux hommes auprès de Schindler, Amon Goeth, le SS d’un coté, et de l’autre, ItzhsaK Stern, le juif représentant la main d’œuvre du camp.

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Minority Report

Minority Report est l'histoire de John Anderton, qui perd son fils. Son enfant disparait alors qu’il fait un concours de nage sous l'eau avec lui dans une piscine publique. Quand il remonte à la surface, il n’y a plus d'enfant. Pour lutter contre de tels crimes, il devient policier. En 2054, il fait partie d'une équipe de « pré-crime », pour prévoir et arrêter les criminels, dirigée par ce Burgess qui en est l'inventeur. Avec leurs « précogs », trois êtres doués de prémonition, prévoir est devenu possible grâce à leur témoignage dans le futur. il en faut deux sur trois pour prouver qu’un crime réel va avoir lieu, le titre du film vient de ce que si éventuellement un des trois est différent, il est le rapport minoritaire. Il s'agit donc de prévoir un crime et d'empêcher qu'il se produise. L'intention du criminel est alors punie comme le crime lui-même. Ils sont donc témoins d'un crime qui n'a pas encore eu lieu, d'un criminel sans crime.

L'histoire révélera à la fin que Burgess, fondateur du service pré-crime est en fait un criminel bénéficiant d'une apparente innocence. Le film, filiation oblige, se termine par son suicide. Faisant mine de donner son revolver, un colt de son ancêtre de la guerre de Sécession, à Anderton pour qu’il le tue, il lui dit « mon fils », le situant comme son fils spirituel. Et il tire. Violences cachées des pères, qui resurgissent dans les violences des fils au point que l'enfant de la génération suivante est tué.

*** Ni dans l’un ni dans l’autre de ces films, vous n’abandonnez votre axe, celui de comment un garçon devient un homme : comment Oskar Schindler (Liam Neeson), petit nazi opportuniste évolue dans sa conscience pour grandir et agir en mensch, sauvant plus d’un millier de juifs de l’extermination. Comment John Anderton (Tom Cruise) renaît à la vie en faisant le deuil de son fils quand il découvre qu’il a été assassiné par Burgess sa figure de père, de référence essentielle pour lui, Lamar Burgess (Max Von Sidow). Comment malgré la violence du père, Anderton reste père, en devenant un homme en paix avec son désir de meurtre. 

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Doigts de lumière.

Nous sommes à la fin de Minority Report.

Une femme, un homme, Anne Lavely, mère d’Agatha, la précog surdouée, le témoin du futur dont a absolument besoin Burgess pour installer son système précrime. Une scène dans un bois qui n’a rien d’une rencontre amoureuse, mais de meurtre, Burgess la tue.

Nous assistons, en silence, à un souvenir donné à voir à tous, c’est une scène de violence à l’origine de l’histoire, constituée d’une mère réelle et d’un père en place de fondateur.

Nous allons voir comment cette violence-là sollicite votre mise en scène. Comme dans beaucoup d’autres séquences, s’allient images de synthèse les unes avec les autres au point que la lumière serait perceptible dans sa matière même. Tout le tournage concerne l’œil.

Anderton, ses doigts pleins de lumière au bout, comme des étoiles, le voilà devant un ordinateur transparent en train de traduire les info que lui transmettent les précog relayés par Hal ce tout puissant centre de surveillance qui voit, qui sait tout et s’occupe des témoins du futur, nos voyants super géniaux dans leur bain de mémoire, là où ils savent, inscrites dans le lait du bain, dans la chimie du présent entre l’avant et l’après, que les violences se reproduisent : elles ont des filiations !

Cela se dit dans la filiation, la succession entre thème du film et sa mise en scène. Le thème est la mémoire du futur, le témoin d’un criminel avant le crime. Ça a voir avec la mort dans les camps et l’effacement total des traces des crimes. Cet effacement-là est ce qui séjourne souterrainement au niveau collectif, dans notre culturel et qui appelle notre intime à lui donner un cadre pour le, sachant, le rendre moins envahissant.

Votre art là, de La Liste à Minority, littéralement il éclate en pleine lumière…

Tout se passe, en effet, comme si le thème du scénario, c’est votre mise en scène elle-même, qui redouble le thème du film lui-même qui a pour thème et pour outil celui de la mise en scène elle-même. Quoi ? lequel ? L’œil.

Ainsi un aveugle aux orbites évidées dit à Anderton : " au royaume des aveugles le borgne peut être roi".

Le savoir inconscient arrive avec Œdipe aux yeux crevés. Il ne sait pas qu’il est le fils de Laios, son père, alors que le témoin du futur, lui, l’aurait su… Et que le complexe d’Œdipe en eût été changé. Voilà où nous mène le cinéma dans son rapport à la rupture de l’histoire. Si l’inconscient, dans son noyau, devient conscient à un niveau collectif, il faut revisiter la psychanalyse…C’est ce que je fais un peu ici avec vos films.

Ça touche au comment savoir un crime ancien (d’Œdipe) qui se cache derrière un crime à venir. C’est exactement le savoir du névrosé, qui, coupable de son désir de meurtre, avoue tout, alors qu’il n’a rien commis, tandis que le vrai criminel ment, se disculpe…

Voilà ce qui arrive à notre héros, Anderton, version Œdipe 2054, quand il est poursuivi à son tour pour précrime. Il se fait changer les yeux pour fuir Hal, car l’œil, tout près du cerveau, s’est substitué à notre bonne vieille empreinte digitale de nos crimes d’antan, et lui, John Anderton, fidèle à son passé, veut garder ses yeux anciens car ils sont de sa mère… « Œdipe quand tu nous tiens » devient avec Spielberg : œil et doigt se font la paire, ils sont amoureux du cinéma, E.T. est toujours présent pour rentrer maison…

Ainsi assiste-t-on, Œdipe impardonnable, à la capture d’un mari réellement trompé, qui sans lunettes n’y voit rien, sinon qu’il sait tout, il en est complice ? probablement qu’il en a une idée dans l'œil , et du coup, il va peut-être tuer sa femme et son amant avec des ciseaux toujours bien venus dans une scène où l’œil est roi.

Mais l’œil ici est celui de la police, œil collectif qui voit tout, même la rapport intime des amants, en lieu et place du mari qui, lui, ne veut pas voir ça, mais qui sait tout. Voilà sa faute en 2054, et il est en prison pour ça... A nous de savoir mesurer ce qu’il y a à savoir, dirait notre nouvel Œdipe, sinon oublies-le.

L’œil donc, thème du film entre obscurité et ténèbres, lumière et transparence, écran d’ordinateur et l’à coté de l’écran. Tels les doigts d’Anderton tapotent dans l’espace, au point que ça donne envie que les doigts soient une caméra à eux tout seuls.

Bref d’utiliser le trucage numérique, le montage vidéo, les images par ordinateur, les effets numériques des images de synthèse. nécessite aussi des mots qui sont index de quelques précisions sur l’avenir des criminels.

Ainsi la question du passé « si on creuse le passé on en sort sale » dit un des gardiens de la prison, de Hal, l’ordinateur de surveillance…

Voilà notre monde.

L’acte, disais-je au chapitre précédent, de regarder des images, c’est que ce sont des images de crimes invisibles parce qu’ils n’ont pas encore eu lieu, ça c’est la fiction de Minority Report. Que ces crimes ont été effacés à tel point qu’ils n’ont jamais eu lieu, nous sommes dans La Liste. Je disais et le répète : que celui qui fait Minority comprend le cinéma d’aujourd’hui, parce qu’il comprend le monde.

La différence tient entre le pas encore et le jamais eu lieu. La Shoah est un crime jusqu’au bout du crime, un crime qui n’a pas eu lieu. Voilà notre monde.

D’où la difficulté de faire de La Liste un film de fiction directement, si historiquement exact qu’il soit, car cela vous oblige à donner la prévalence à l’intime sur le politique, presque à en faire un document d’histoire en noir et blanc, avec une personnalisation intense sur les trois hommes du film, aussi bons acteurs qu’ils soient…Y compris la scène dans la cave à vins où Goeth est avec la jolie juive Hélen, dont il est fou amoureux, il va se passer quelque chose, c’est sur. Et non, le jeu de lumière sur sa seins nous laisse entendre qu’elle a une très bonne éducation et que ça la protège contre le pire, avec là aussi cet aspect d’être impeccable comme la plupart de personnages juifs, Itzhak Stern compris.

Nous baignons dans l’intime.

Alors que votre art de la vraie fiction type Minority vous tient dans le politique. Et nous aussi dés lors.

Peut-être accepterez-vous que je vous dise que si La Liste vous a valu le reproche que les femmes sous la douche, la vraie, étaient trop belles ! que c’est là le faux débat qu’un abord direct de la Shoah entraîne, car les femmes ne sont jamais assez belles, tout dépend de ce qu’on veut filmer avec de telles images.

C’est vous dire, Steven Spielberg, qu’avec cette prévalence dans La Liste de l’intime sur le politique, vous privilégiez alors le lien à la jouissance des corps des criminels, leurs pulsions s’exerçant pleinement.

C’est dire que l’œil n’est plus le thème du film, il vous échappe et du coup, question : à partir de quel œil vous regardez le monde européen des camps. Est-ce l'œil d'Amon Goeth ? qui par exemple de l'appartement de la villa qu'il occupe au dessus de celui de Schindler, sur son balcon, alors qu'il vient de faire l'amour avec un jolie femme, alors qu'il vient d'uriner avec le bruit et la durée en temps réel dans votre film, le voilà avec son arme en train de viser une déportée qui est dans le camp, il la tue puis une autre. Savoir que l'œil du nazi est pris comme un événement cinématographique qui permettrait de faire savoir ce qui s'est passé. Alors que cela ne montre que la jouissance, dont lui et ses complices ont arrosé l’Europe bien suffisamment pour ne pas leur en donner encore l’occasion par votre caméra.

C’est pourquoi montrer les amours/jouissances d’un nazi en même temps que les moments heureux de celles et ceux des victimes, qui se marient, qui font une bar-mitzwah, quels que soient les grenouillages de la vie du camp pour survivre au jour à jour, rigoler, parler, quelles que soient les choses dites de cette zone grise de la vie vue du camp, voir une équivalence tenable entre les propos, les discours des bourreaux et des victimes, de leurs descendants… n’est qu’une façon maladroite de plus de fabriquer encore une forme d’ignorance et un amalgame auquel il faut s’habituer à ne pas s’habituer.

Sans doute cela explique cette forme de témoin dont j’ai parlé, témoin juif de cette vie vue du camp, les affaires sont les affaires, elles ont eu lieu à des niveaux divers, c’est sûr, mais alors il faut en faire un film qui le dise.