Cycle Le Féminin au Regard Qui Bat

LOU ANDREAS-SALOMÉ

Le Féminin au Regard Qui Bat

Projections - Rencontres - Débats

Ce cycle a commencé en mai 2017 avec Je danserai si je veux de Maysaloun Hamoud, puis L’Amant d’un Jour de Philippe Garrel et Lou Andreas Salomé de Cordula Kablitz-Post, troisième film sélectionné 

Argument

La liberté des femmes s’est toujours affrontée au excès du culturel, du religieux, des familles, des coutumes. Dans leur quête d’émancipation et sans rien renier de leur appartenance les femmes veulent vivre aujourd’hui leurs sentiments et leurs émotions sexuelles, les dire, les écrire, les filmer.

Avec des images et des paroles magnifiques dans les films présentés, une femme s’ouvre à une sexualité qui dit je, qui dit non, qui dit je veux. Mais une intense exigence des mœurs s’y oppose, et la place du père, tout autant celle de la mère, nous font encore spectateurs témoins d’une police… des désirs. Violence tragique rejetant tout compromis entre l’avant et l’après de cette libération des femmes. Et des hommes aussi. Pour elles, les femmes, une telle liberté vaut très cher. Contre la soumission au masculin, elles ont à reconquérir et à accepter leur choix intime au niveau social et professionnel comme dans leurs choix amoureux. Le modèle de la laïcité leur est appui. Mais un tel affranchissement est aussi combattu par des citoyens à travers le monde, ne serait-ce qu’en France avec « le mariage pour tous » tant décrié.

Là le psychanalyste est invité. Si le choix socio-politique est ouvert, ce qui se met en travers, c’est un certain refus du féminin ignoré parce qu’inconscient, chez l’homme comme chez la femme, chez la fille comme chez le garçon...

L’engagement socio-sexuel reste à reconquérir sans cesse, et l’accepter ouvre à la découverte d’une hétérogénéité entre ce qui se sait et ce qui ne se sait pas encore. C’est ce qui fonde notre subjectivité. D’où l’angoisse, d’où le rejet violent de tout changement socio-sexuel dans ce combat des femmes dans les cultures musulmane, chrétienne, laïque, juive même là où elles vivent en démocratie. Le cinéma vu par le psychanalyste, s’il éclaire le choix entre les sexes, dépasse cet enjeu pour chacune et pour chacun.

Notre colloque de cinéma veut montrer comment devient actif dans l’intime le conflit psychique entre la féminité muselée et en révolte contre le familial, et l’approche du féminin moins masqué, plus reconnu. Ce féminin ce n’est plus avoir tel ou tel avantage s’ajoutant à la séduction d’une femme, mais c’est la reconnaissance d’une faille inhérente à l’être. Être femme et non pas en avoir le titre ….

Les images de cinéma nous font entrevoir cet intime s’affrontant à l’acceptation ou le rejet de ce conflit. C’est cela qui est cause de violences où le masculin trouve son régime de croisière, mais il arrive souvent qu’un père reconnaisse le féminin qui lui fait signe chez sa fille. Et par là même il lui fait signe de la sa propre féminité de père, d’homme.

Les femmes savent sans doute mieux que les hommes rencontrer leur subjectivité. Le génie du discours filmique montre que l’angoisse en est l’index qui permet aux femmes de dépasser la négation de leur désir par l’homme pour inventer leur subjectivité.

Le féminin et son refus mettent en relation l’intime de chacun et le politique. Le prendre en compte pourrait peut-être éviter les guerres propres aux décisions du masculin et à ses désirs d’installer sans cesse des frontières entre les gens, les sexes, les vies, les idéaux. 

Subversion en cours….

Cinéma Étoile Saint-Germain-des-Près

Dimanche 2 juillet 2017 à 10H30

De Cordula Kablitz-Post - Allemagne / Suisse 2016 - 1H16mn

Le synopsis : Esprit rebelle, l'intellectuelle d'origine russe Lou Andreas-Salomé ne peut que déplaire au régime nazi. C'est dans ce contexte qu'elle entreprend de rédiger ses mémoires. Quand elle était plus jeune, elle rencontre Nietzsche qui tombe immédiatement sous le charme de cette femme avant-gardiste. Paul Rée, un riche philosophe allemand, demande en vain Lou en mariage. Il va s'organiser un étrange ménage à trois platonique. Rilke, de quatorze ans son cadet, se meurt d'amour pour elle. De son côté, la jeune femme refuse de renoncer à sa liberté en se mariant. Elle rencontre Freud : l'admiration est réciproque...

L'avant-propos de Jean-Jacques Moscovitz : Göttingen… Visage triste et désemparé, Ernst Piffer demande à Lou de faire une analyse avec elle, elle a 72 ans, toujours belle et souriante. Elle lui propose qu’il sot son scribe, de taper à la machine sa biographie et son œuvre sous l’œil avisé et bienveillant de notre héroïne... Nous voyons le scénario s’écrire devant nous. Nous sommes en 1933, les nazis la menacent, elle est en passe de détruire son œuvre, Ernst P. sauve les textes… et ce sera surtout son dernier compagnon. Ils se le disent, « si tu crois en la vie, lui dit-elle alors je suis d’accord ». St Pétersbourg, Lilya a 16 ans, elle est sur les genoux de Her Pastor, son précepteur fou amoureux d’elle, c’est Henryk Guillot, le premier homme de sa vie, son Dieu, il veut l'épouser, quitte à transgresser tous les codes de son temps, les visages des protagonistes en sont pantois de honte. 

Et c'est parti. Des hommes arrivent dans sa vie et non des moindres, Paul Rée, Nietzsche, Rilke. Arrêt sur image de la charrette où elle les mène au fouet. Elle crée autour d’elle passions, désirs de complétude, ils la voient en La femme fatale enfin arrivée bien qu’elle n’en soit pas dupe. (Cf. le texte de Robert Maggiori). 

Un orientaliste, Mr Andréas lui donne son nom qu’elle met avant celui de son père, Von Salomé, elle a 26ans, c’est un mariage blanc uniquement pour des raisons pratiques d'évidence. Pendant ce temps-là, des disputes sans fin surgissent dans l’union érotique avec Rilke. Son parcours beaucoup la connaissent et pourtant elle sait protéger son intime. C’est montré dans le film. Au niveau politique, elle ne reste pas muette face à la libération des femmes de la fin du 19e siècle. Freud lui ne succombe pas bien qu’amoureux. Il est sous le charme, dit-il, de cette « compreneuse », de la comprendre de façon heureuse…dirons-nous. Il s’est comme par hasard prévenu lui-même dès 1908 quand il écrit Création littéraire et rêve éveillé alors qu’il n’a pas encore vu Lou... La première rencontre a lieu en 1911. Elle va habiter deux mois chez les Freud fin 1921. Elle y rencontre Anna la fille du père. Un père qu'elle vénère et adore comme si c’était le sien, et Anna a 26 ans est comme sa sœur, Lou 60…Leurs échanges sont intenses sur le choix sexuel. Sur la question du féminin Lou récuse en séance chez Freud, la question du meurtre du père présent pour le garçon, pour la fille ce n’est pas ce qui est au centre du complexe d’Œdipe. Au contraire le Père est un abri, « un port » pour sortir de la tourmente du lien à la mère. (Cf. le texte de Claude Noële Pickmann). Les personnages défilent devant nous en images magnifiques, bien que connues, documentées elles sont novatrices. La mise en en scène des correspondances pose les lettres en place d’acteurs où les images prennent le relais des deux personnages qui nous donnent le sentiment très fort qu'ils savent de quoi il retourne, de ce virage qui est pris ici aussi bien au niveau politique qu’intime. L'émancipation des femmes les sort du dressage masculin pour arriver à une vie intime et libre où le désir féminin apparaît. La pratique de Lou ne cesse de nous montrer combien le désir de l’analyste et le féminin sont liés à l’existence de l’inconscient, quel que soit le sexe dans la vie fantasmatique ou réelle. Dans la vie sexuelle, pensées érotiques, passion et amour et paroles qui sont articulées en ce que ce n'est pas la différence des sexes qui domine les humains mais bien le féminin, Affaire à suivre pour les années qui viennent pour la civilisation de l’homme pour le singulier de l'intime contre le Un toujours trop Un….

lire le texte de Claude Noële Pickmann

L'amant d'un jour

Cinéma Étoile Saint-Germain-des-Près

Vendredi 16 juin 2017 à 20H30

De Philippe Garrel France 2017 - 1H16mn

RENCONTRE DÉBAT AVEC PHILIPPE GARREL

Débat animé par : Jean-Jacques Moscovitz, Fred Siksou, Vannina Micheli-Rechtman, Maria Landau, Simone Wiener...

Le synopsis : C’est l’histoire d’un père et de sa fille de 23 ans qui rentre un jour à la maison parce qu’elle vient d’être quittée, et de la nouvelle femme de ce père qui a elle aussi 23 ans et vit avec lui.

L'avant-propos de Jean-Jacques Moscovitz : Les si jolies taches de rousseur d'Ariane colorent le noir et blanc du film, son visage comme celui de Jeanne sont les acteurs, ils "sont" le film. Est-ce le signe de l'intense séduction exercée envers l'homme telle Ariane et son fil, telle notre Lilith Biblique, celle qui en sait long sur la jouissance des hommes, Adam The first ! Alors que Jeanne est notre Eve bien aimante, celle qui accepte l'attente depuis l'autre. La perte. Les effets sur les gestes et les visages sont ceux des mille mots entendus, ceux d'une rencontre entre les corps et les chagrins immenses où l'homme, lui, ni ne se rompt ni se défait, mais tient bon sans plier. Sans lâcher prise sur la dimension phallique pour que le féminin dont les énigmes ici sont presque dévoilées, nous humanisent au un par un de chaque spectateur. Le grand Freud attend au checkpoint de l'Œdipe chez la fille ...

L'avant-propos de Maria Landau : Cinéma de distraction oublié à peine sortie de la salle, et cinéma de réflexion, comme celui de Philippe Garrel, l’Amant d’un Jour où les plans noirs et blancs énoncent pas à pas, l’un après l’autre, le chemin de pensée et l’histoire de vie , de trois personnes, un homme de 50 ans professeur de philosophie dans une fac parisienne et deux très jeunes femmes qui se retrouvent un matin sous le même toit; l’une , Jeanne est « ma fille » comme la nomme chaque fois qu’il s’adresse à elle, Gille son père, et l’autre, Ariane l’amie et élève de Gille qui vit avec lui depuis trois mois dans cet appartement pleins de livres.

Une voix off mélancolique dit comme le chœur antique dans la tragédie grecque l’avancée du destin.

Jeanne vit son premier chagrin d’amour, il est violent, elle n’a jamais ressenti une telle détresse, alors c’est cela l’amour, une telle souffrance… elle se réfugie et est accueillie par l’homme dont elle sait qu’il ne la trahira jamais, son père.

Ariane la découvre le lendemain de son arrivée en pleine nuit et immédiatement ces deux jeunes femmes se parlent, l’une veut consoler et aider l’autre. C’est pour l’une et l’autre le discours sur l’amour et la perte de l’amour, discours du féminin qui est troublant et bouleversant mais qui est fort et auquel elles se sentent soumises. Il les détermine. Jeanne regarde et écoute son père, celui qui s’adresse à elle en disant « ma fille ». Lui aussi est un homme mais avec elle ce masculin-là est tendre et secourable. Ariane est dans son nouvel amour pour cet homme, à la fois séductrice et heureuse d’être aimée et choisie par lui. Alors pourquoi aller céder au désir sexuel d’un autre homme pour elle, un de ses jeunes camarades dans une passade d’un instant… C’est le mystère du féminin, grand mystère pour l’homme qui toujours soupçonne le féminin de ces conduites inconséquentes. Mystère aussi pour la femme, pour Ariane qui se fait gifler et chasser par son amant furieux, qui ne comprend pas cet affront fait à la toute-puissance phallique qu’il incarne. Jeanne elle, va retrouver son amoureux et leur idylle va reprendre magnifiée pour elle par l’instant passé auprès du père qui l’aime tant. Quel beau film, qui donne à lire à livre ouvert le féminin toujours blessé et complexe s’affrontant à la force et à la dureté phallique.

Cinéma Sept Parnassiens

Vendredi 12 mai 2017 à 20H15

JE DANSERAI SI JE VEUX

De Maysaloun Hamoud Israël France 2017 - 1H42mn

Débat animé par : Jean-Jacques Moscovitz, Fred Siksou, Vannina Micheli-Rechtman, Maria Landau, Simone Wiener...

Le synopsis : Layla, Salma et Nour, 3 jeunes femmes palestiniennes, partagent un appartement à Tel Aviv, loin du carcan de leurs villes d'origine et à l'abri des regards réprobateurs. Mais le chemin vers la liberté est jalonné d'épreuves…

L'avant-propos de Jean-Jacques Moscovitz : « …une belle lumière des visages remplit une ville, Tel Aviv qui à son tour inonde de mille feux de la nuit les gestes de vie des personnages de femmes. Boire, danser, rire, fumer, parler, regarder. Sur-brillance de l’Occident qui n’efface pas la culture musulmane et palestinienne des trois jeunes femmes israélo-arabes, parlant l’hébreu, et en quête de liberté, d’émancipation des excès de la religion de leurs familles et cela sans rien renier de leur identitaire. Elles veulent vivre leurs sentiments et leurs émotions sexuelles. À ces images et ces paroles magnifiques de la jeunesse s’ouvrant à une sexualité enfin possible qui dit je, qui dit non, qui dit je veux, s’oppose une intense exigence des mœurs et coutumes. Où la place du père, tout autant celle de la mère, nous font spectateurs témoins d’une police… des désirs. Violence tragique rejetant tout compromis entre l’avant et l’après de cette libération de femmes. Et des hommes aussi. Pour elles, les femmes, une telle liberté vaut très cher. Contre la soumission au masculin, elles ont à accepter leur choix intime à reconquérir au niveau social, professionnel. Le modèle israélien leur est appui. Mais un tel affranchissement est aussi combattu par des israéliens comme par des citoyens d’autres pays, ne serait-ce qu’en France avec « le mariage pour tous » tant décrié. Là le psychanalyste est invité. Si le choix socio-politique est ouvert, ce qui lui résiste c’est un certain refus souterrain, inconscient du féminin, chez l’homme comme chez la femme, chez la fille comme chez le garçon …. L’engagement socio-sexuel reste à reconquérir sans cesse, et l’accepter ouvre à la découverte d’une hétérogénéité entre ce qui se sait et ce qui ne se sait pas encore. C’est ce qui fonde notre subjectivité. D’où l’angoisse, d’où le rejet violent de tout changement socio-sexuel dans ce combat des femmes dans la culture musulmane où elles vivent. Mais là le film ouvre en même temps sur le fait que leur choix entre les sexes dépasse cet enjeu pour chacune des trois femmes, ce choix met à coté le risque hyper-identitaire qui effacerait tout de leur délivrance en cours. Le film laisse supposer que devient actif dans l’intime un conflit psychique entre leur féminité muselée en révolte contre le familial, et l’approche du féminin moins masqué, plus reconnu. Ce féminin ce n’est plus avoir tel ou tel avantage s’ajoutant à la présence d’une femme, mais c’est la reconnaissance d’une faille intime inhérente à l’être. Être femme et non pas en avoir le titre …. Les images de lumières dans le film nous font entrevoir cet intime s’affrontant à l’acceptation ou le rejet de ce conflit. C’est cela qui est cause des violences, et même d’un viol de Nour par son « fiancé ». Mais le père de Nour, au moment de la rupture avec son fiancé, reconnaît le féminin qui lui fait signe chez sa fille. Et par là même il nous fait signe de la sa propre féminité de père, d’homme. Ces trois femmes savent rencontrer leur intime. C’est le génie du discours filmique de Maysaloun Hamoud où l’angoisse est index de la présence de l’intime. Ainsi Leyla désire être trouvée par un homme qui sache y faire avec le féminin. Nour refuse la négation de son désir ; Salma fuit ses parents car elle est en avance sur leur émancipation à venir. Le féminin et son refus mettent en relation l’intime de chacun et le politique. Peut-être éviter les guerres propres aux décisions du masculin. Je danserai si je veux est index que le psychosexuel n’est pas une frontière… »

La programmation