"Le corps parle, parlons du corps"

Par Mme Zhao Min (Extraits)

Ce texte a été exposé lors d'un colloque organisé par Le Centre Psychanalytique de Chengdu en avril 2012 sur « La  présence du corps dans la cure psychanalytique ».  Ici c'est la question de séances sans le situs habituel, mais où analysant et analyste sont à une distance telle qu'un dispositif est à inventer.,. Et cela bien avant notre situation actuelle qui nous donne tant d'occurrences de nous parler comme nous le pouvons à travers des outils informatiques.

Deux extraits ici de son exposé.

1er extrait pour citer comment  Mme Zhaomin pose sa question:

"Depuis que j’ai commencé le travail clinique, ai-je fais face à un problème : pour tous les demandeurs qui ne se trouvent pas à Chengdu, puis-je les accueillir, comment les accueillir et est-ce que pour tous ceux qui ne sont pas de Chengdu et qui en font la demande, je peux utiliser le téléphone ou la vidéo par internet pour les accueillir ? "

..." un dispositif approprié incluant une présence régulière permet véritablement de poursuivre l’analyse...l’analyse à distance amplifie les difficultés, difficultés qui sont très clairement en rapport direct avec l’absence du corps."...

..."Ainsi, une nouvelle question se pose : que signifie l’absence du corps? Comme doit-on faire pour que le corps soit sur place ? À quel fondement la présence du corps est-elle reliée ? "...

..."Ces questions me tracassaient, jusqu’à ce que Michel Guibal vienne parler à Chengdu de la présence du corps. C’est grâce à cela que j’ai peut-être mieux trouvé une meilleure réponse à ces questions"....

..."Michel Guibal part des traces du corps chez Spinoza, pour en venir aux mouvements du corps et à l'image du corps ainsi qu’aux paroles du sujet. Peut-être que les inscriptions dans ces dimensions sont enchevêtrées de façon désordonnée". 

"En Chine il y a un dicton : « Le corps, des cheveux à la peau, provient de nos parents ; de ne pas oser y faire du mal, c'est le début de toute piété filiale. Une fois que nous avons établi notre caractère par la pratique de la piété et que nous nous sommes fait un nom, de façon à faire honneur aux générations futures et à nos parents, c’est la fin de toute piété filiale. » Si nous nous accordons à dire qu'au départ la piété filiale couvre tout ce qui est hérité de génération en génération, alors cet héritage passe en premier lieu par le soin conféré au corps qui nous est donné par nos parents. En second lieu, cela passe par l’établissement d’un nom et d’une renommée dans ce corps. Or dans le sens qui lui est conféré : ce que les parents nous confient ce n’est pas seulement le corps en tant qu’organe, mais c’est bien la totalité de ce que l’organisme comprend.

Le dispositif de l’analyse est comme la relation la plus primitive, il se met en place entre deux sujets, en y ajoutant un troisième élément qui est le langage, entrant ainsi dans la dyade."

2ème extrait, avec le terme de bilan qu'utilise l'auteure:

« Les Hommes se composent de l'âme [ Ndlr le psychique cf plus loin] et du corps, et la présence du corps se manifeste par tout ce que nous ressentons. » Et toute sensation est obligatoirement dépendante de corps externes qui l'excitent. Ce qui est en face à face avec la notion même d'âme c'est le corps ou par extension toute forme existant réellement, mais pas autre chose. En dehors des situations dans lesquelles les affections sont éprouvées, l'âme des Hommes ne perçoit pas le corps ou son existence. L'élément primaire de l'existence réelle qui constitue l'âme des hommes n'est rien d'autre que l'idée d'objet individuel de l'existence réelle.

Pour une analyse effective, le corps doit être présent - c'est une certitude. Comme l'enfant qui vient de naître, qui par le biais du corps de l'autre peut sentir son propre corps, commence un échange avec l'autre. De même, parce que l'analyste est présent, le sujet commence à décrire les paroles que le corps raconte de tout temps. Le sujet grandit dans le corps depuis le début, et ce corps, depuis le début, par le lien et le contraste avec le corps de l'autre, se construit indépendamment. C'est seulement après que le corps s’est constitué indépendamment que la séparation d'avec l'autre peut vraiment se réaliser. Dans la clinique, après avoir institué le corps dans sa présence et lui avoir donné suffisamment de place, est-il possible de poursuivre l'analyse à distance ? L'alternance entre présence et absence maintient l'indépendance du sujet quand il n'est pas sur place. Une fois la relation avec la mère établie, l'enfant connaît la mère qui parle et l'alternance de la présence et l'absence de la mère encourage l'enfant à continuer à grandir encore. L'analyse fait de même. Une fois que la relation d'analyse est établie, dans des conditions objectives, l'analyse peut devenir une analyse à distance. En réalité, l'analyse à distance temporaire continue, à la condition dans le futur, que l'analysant voie l'analyste et que l'analyse se fasse dans le cabinet de l'analyste. Un autre aspect est clair - l'analyste est toujours dans un endroit que l'analysant connaît !

Tout au début, le corps est complètement lié à celui de la mère. La naissance de l’enfant coupe ce lien parfait. Le corps est ouvert, par le trou ouvert s'établit un lien avec la mère où la distance jour un rôle dans la construction du sujet. C'est dire ainsi que les psychotiques et les enfants ne peuvent pas faire des analyses s’ils ne sont pas sur place, car lors d'une analyse sans être en présence de l’analyste, ce que leur corps dit ne peut pas du tout être entendu ! En même temps, leur identité corporelle est en train de se construire et pour cela elle doit s'appuyer sur le corps de l'autre qui est présent.

Si nous voulons réfléchir à l'analyse à distance, nous devons penser aux trois points suivants: premièrement, il faut un corps qui a été institué avec un Autre primaire ; deuxièmement, il faut que, par le biais d'une analyse ayant été conduite suffisamment en présence de l’analyste, le corps puisse se transplanter dans l'analyse et que s’établisse une relation d'analyse avec le psychanalyste ;troisièmement, le corps transplanté dans l'analyse doit être lié au signifiant, autrement dit, entre l'image du corps et le symbolique il doit déjà exister un lien."