MARS 1987 : PSYCHANALYSE ACTUELLE POURQUOI ?

Anne-Marie Houdebine, Michèle Ruty, Smaïl Hadjadj, Eric Didier, Jean-Jacques Moscovitz

Depuis son début la psychanalyse est actuelle du fait de la dynamique du refoulement. Comment l'interroger aujourd'hui?

L'invasion médiatique a considérablement modifié le rapport du sujet à sa propre parole. La prévalence accordée au regard plutôt qu'à la voix dans l'organisation et la distribution de la parole, a contribué à accroître l'importance donnée au message plutôt qu'à son adresse, altérant, les façons de dire et d'écrire.

Loin de tenter une relance de la pensée le traitement de l'actualité secrète l'assourdissement et nous convie comme spectateurs à partager pour le brouhaha la fascination du couple politique/média.

Comment une énonciation un désir deviennent-ils alors Acte ou restent-ils événements sans trace? Le plus jamais ça des manifestations étudiantes de cet hiver 86 reprenant, fussent à leur insu- le cri d'horreur surgi des camps d'extermination, s'avance-t-il pour souligner nos trous de mémoire?

Le suspens de la pensée qui s'entend dans les répétitions collectives officielles mais aussi subjectives, d'où vient-il ?

L'innommable, l'impossible à assumer ne nous ramènent-ils pas à ce point de rupture de l'Histoire : les Années Brunes ? En quoi les brisures de mémoire d'une histoire singulière, constitutives d'un sujet, sont-elles liées aux avatars de cette histoire?

Quarante ans après, l’humanité est-elle regardée par l'horreur des camps et les millions de victimes ? Le rapport du collectif et du singulier s'en trouve-t-il transformé?

Quelle place tient aujourd'hui le mythe d'un Père primordial mis par Freud au centre de sa doctrine?

Qu'en est-il de la pratique de la psychanalyse, de l'écriture, de la création lorsque la manipulation génétique et le nucléaire provoquent une nouvelle fabrication du vivant, et de la mort? L'inconscient d'un sujet, en cure ou non, est-il travaillé par ces questions?

La science et ses applications remettent-elles en cause I’ Oedipe, le sexuel, le réel, au point que le référent de Freud (Signorelli... la mort) n'est plus le terme de la chaîne symbolique ? Quels sont les effets de ces nouvelles butées, à la limite de l'interprétable?

L'utilisation du discours analytique par les médias, la multiplication des publications, des manifestations et des ouvrages s'interrogeant sur l'histoire, l'origine, la transmission de la psychanalyse et le désir de Freud témoignent-elles du "progrès" de la psychanalyse ou de son suspens? Repérer dans l'actuel ce qui fait retour du collectif (toxicomanie, ségrégation etc..). paraît être une des conditions du renouvellement conceptuel et clinique de l'analyse, tout en maintenant la radicale rupture entre savoir et vérité propre à l'acte analytique.